La transparence que d’aucuns voudraient ériger en vertu cardinale des rapports sociaux et de l’arbitrage ne risque-t-elle pas d’être mortifère ? L’arbitre ne risque-t-il pas de connaître le sort d’Unn, la jeune héroïne de Tarjei Vesaas1 qui à force d’explorer un palais de glace créé par le gel de l’hiver et de s’introspecter devant le reflet de son visage sur les murs des salles du palais éphémère finit par s’y perdre et apparaître aux yeux du monde comme une ombre figée et muette dans la transparence d’un linceul de glace ? Dans la logique de suspicion qu’emporte aujourd’hui la notion de secret, les arbitres sont-ils encore fondés à revendiquer un principe de confidentialité ? Le secret qui consiste à ne pas divulguer une information et la confidentialité qui vise à garantir la non-divulgation ne sont-ils pas antinomiques de l’idée de justice ? Mais par opposition, le culte de la transparence ne risque-t-il pas d’inhiber les arbitres en les privant de la sérénité et de la liberté nécessaires à l’œuvre de justice ?
Les lecteurs trouveront peut-être vaines nos interrogations existentielles tant il est vrai que la question de la confidentialité dans l’arbitrage n’est pas nouvelle. Il pourrait nous être reproché de revenir sur un sujet sur lequel tout aurait déjà été dit. Et pourtant, l’actualité judiciaire nous prouve le contraire. La transparence et la confidentialité sont au cœur de l’affaire Tapie qui va occuper le tribunal correctionnel de Paris tout au long des prochaines semaines.
Il a semblé dès lors intéressant de consacrer un dossier de la Lettre de l’AFA à la question de la confidentialité. Antoine Fourment, avocat et vice-président de l’AFA nous livre dans son article des réflexions passionnantes sur les rapports qu’entretiennent secret et confidentialité ainsi que transparence et vérité et étudie ensuite la portée de la confidentialité reconnue dans la pratique arbitrale. Dans sa contribution, Hedwige Caldairou, avocate et médiatrice, nous rappelle combien la confidentialité, tout en n’étant pas absolue, est essentielle à la médiation pour garantir la loyauté du dialogue et nous expose à son tour la portée du principe dans ce mode alternatif de règlement des litiges.
Pour ma part, je continue de penser que la confidentialité constitue une composante essentielle de l’arbitrage. Le règlement de l’AFA l’édicte sans ambiguïté en prévoyant que « la procédure arbitrale et la sentence sont confidentielles ». S’il est vrai que la confidentialité n’est expressément consacrée qu’à propos de l’arbitrage interne en droit français de l’arbitrage, elle nous semble également inhérente à l’arbitrage international. Les limitations que certains acteurs de l’arbitrage voudraient y apporter au point de défendre un principe contraire de transparence nous semblent dangereuses dès lors que comme nous l’expliquons dans un article qui sera publié dans la prochaine édition de la Revue de l’Arbitrage, elles pourraient avoir pour effet de transformer les procédures arbitrales en antichambre du ministère public, ce qui n’est certainement pas le sort souhaité à l’institution arbitrale !
CONFIDENTIALITÉ DE L'ARBITRAGE : ENTRE TRANSPARENCE ET SECRET
« Voici que se profile au bout du chemin la dictature glacée de la Vérité, ultime et terrible vertu d’un temps qui aurait enterré les autres »
(Jean-Denis Bredin – Revue de jurisprudence commerciale, Numéro spécial « La transparence », novembre 1993)
La confidentialité est-elle inhérente à l’arbitrage ? La question n’est pas loin de ressembler au débat théologique sur le sexe des anges.
Il faut reconnaître que le sujet est complexe. La confidentialité n’est que rarement exprimée dans le contrat ou dans la clause d’arbitrage. Certains règlements en consacrent le principe, quand d’autres n’en traitent pas.
La complexité du sujet tient notamment au fait qu’il peut théoriquement recevoir des acceptions différentes selon que l’on s’intéresse à l’objet de la procédure ou à telle ou telle séquence de celle-ci. L’existence même de la procédure arbitrale doit-elle être tenue secrète ? Doit-on traiter de la même façon la question de la confidentialité de la procédure écrite, de celle de l’audience, du délibéré ou de la sentence ?
Mais ce n’est pas seulement l’objet ou le champ de la confidentialité qui pose difficulté. C’est sa raison d’être qui suscite le plus d’interrogations. La nature contractuelle de l’arbitrage conduit en effet à se demander si le besoin de confidentialité participe toujours de la volonté des parties de ne pas régler leur différend devant des juridictions étatiques.
Parce qu’il est difficile de répondre à la question, la confidentialité a souvent été présentée comme étant consubstantielle à l’arbitrage, un «understatement » aux origines floues entre le droit naturel, l’usage ou le droit coutumier. Pour autant, la confidentialité de l’arbitrage est abordée diversement par les droits nationaux, ce qui est la traduction même du doute qu’elle suscite.
Peut-être n’est-il pas sans intérêt de puiser à l’origine des mots avant de s’intéresser au paysage actuel de la confidentialité de l’arbitrage.
AUX ORIGINES DU SECRET ET DE LA CONFIDENTIALITÉ
La confidentialité c’est l’action qui protège le champ du secret. Selon la définition de l’Organisation internationale de normalisation, la confidentialité est « le fait de s’assurer que l'information n'est accessible qu'à ceux dont l'accès est autorisé ».
Le périmètre d’accessibilité à l’information dépend essentiellement du statut professionnel de certaines personnes, de la fonction occupée par d’autres, de la loi ou d’engagements souscrits.
Ce périmètre est celui d’une confiance partagée, d’où le terme de confidentialité qui vient du mot latin confidentia. Ainsi, être dans la confidence : c’est se trouver dans une relation de confiance qui donne accès à des informations.
Mais derrière cette définition, on voit bien que l’objet de la confidentialité, c’est-à-dire le champ du secret, peut être affecté d’une certaine plasticité.
L’idée que l’information ne doit être accessible qu’à certains suggère tout d’abord qu’il existe une part de mystère dans le secret. Pour autant, le secret s’oppose précisément au mystère, car il est fondamentalement profane quand le mystère revêt généralement une dimension religieuse, en tout cas une ouverture vers le sacré, l’inexpliqué, voire l’inexplicable.
À l’opposé, et de manière paradoxale, le secret, à la différence du mystère, est potentiellement accessible à tous. « Ce qui fait problème dans le secret, c'est qu'il peut être divulgué, trahi, révélé. Oedipe finit par déchiffrer l'énigme du sphinx»[1].
On perçoit d’emblée qu’il existe une ambivalence éthique fondamentale du secret. Mais cette ambivalence s’accroît à mesure que l’on rapproche la notion de secret de celle de vérité.
Le secret, on l’a vu, est une mise à l’écart[2]. On retrouve ici l’ambivalence du terme, en ce que ce retrait laisse entendre que l’objet du secret, s’il est certainement absent de certains lieux d’où il est retiré à la connaissance de ceux qui y ont accès, peut au contraire être présent en d’autres lieux. En d’autres termes, il soustrait à la connaissance humaine autant qu’il contribue, par sa présence en d’autres lieux, à la connaissance de certains.
La vérité s’oppose au secret en ce qu’elle est par essence un « non-retrait ». Elle prétend s’ouvrir sans réserve à la connaissance humaine.
Cette opposition est naturellement source de tensions en matière de justice.
Pour le philosophe utilitariste Jeremy Bentham « la publicité est l’âme de la justice »[3]. La justice devrait donc être rendue dans des maisons de verre pour que les juges agissent en pleine lumière, que les témoignages soient publics pour être sincères. La publicité de la justice serait ainsi la meilleure protection contre un éventuel arbitraire. Mais elle aurait également pour vertu de protéger les juges contre une éventuelle défiance de l’opinion publique à leur égard. Une justice rendue en pleine lumière rend la critique plus difficile, voire injuste. D’où cette sentence devenue aphorisme : « Not only must Justice be done; it must also be seen to be done. »[4]
La justice arbitrale serait-elle rendue sans âme ? La confidentialité qui lui est traditionnellement attachée ne l’exposerait-t-elle pas, ne serait-ce qu’au soupçon de l’arbitraire ? En quoi les raisons qui ont justifié que la justice étatique soit rendue en pleine lumière ne militeraient-elles pas en faveur de la transparence de l’arbitrage ? La vérité peut-elle, encore aujourd’hui, éclore à l’ombre du secret entourant les procédures arbitrales ?
Certes, l’arbitrage est souvent qualifié de « justice privée », ce caractère entretenant la tradition du secret, d’autant que la confidentialité est considérée par beaucoup comme l’une des principales vertus de l’arbitrage. Mais précisément, cette tradition peut-elle encore résister à la « terrible vertu » de la vérité, fille de la transparence ?
L'EMPRISE MORALE DE LA TRANSPARENCE DU SECRET
La transparence a triomphé moralement de son combat contre le secret au prétexte que celui-ci occulterait la vérité et qu’il devrait s’effacer, en tant que porteur d’intérêts privés, derrière l’intérêt général porté par elle.
De fait, divers groupes de pression, lobbies, ONG dans le monde militent ardemment en faveur d’une transparence « morale » de la vie en général et de la vie des affaires en particulier. D’aucuns saluent le fait que le pays aurait « enfin » « quitté le monde de l’opacité, de la connivence et de la complaisance »[5]. Tout secret devrait ainsi être banni, spécialement dans la vie des affaires.
Rares sont les voix qui s’élèvent pour tenter de freiner l’avancée, qui semble inéluctable, vers un monde de cristal qui laisserait entrevoir la Vérité, mais au prix d’un sacrifice de nos libertés et de l'avènement d’une forme de dictature : « Une vie sans secret, sans mystère, ... mais il faut bien sûr, des professionnels de la transparence, pour la vérifier, des juges de la transparence pour l‘interpréter et des fonctionnaires sans secret ni mystère pour la sanctionner ».[6]
Car nous assistons peut-être aux prémices des sociétés décrites dans les romans dystopiques d’Aldous Huxley ou de George Orwell, qu’il s’agisse de l’État mondial de « Brave New World » ou, pire encore, du Big Brother de « Nineteen Eighty-Four » annonciateur d’une société de surveillance et d’affaissement des libertés.
L’explosion des nouvelles technologies pourrait, d’aucuns l’espèrent, aider à prendre conscience que la vie a besoin de « petits tas de secrets » sans pour autant qu’on les qualifiât de « misérables »[7] :
« Entre secret et divulgation, une tension permanente traverse en fait notre époque, plus intensément qu’aucune autre. Nos moyens de tout surveiller, de recouper les informations, de pister les trajectoires se démultiplient. La nécessité de préserver l’anonymat, la vie privée, les secrets personnels ou industriels devient à la fois plus impérieuse et plus malaisée à mettre en œuvre. On se prend à rêver d’un nouvel art de la dissimulation, d’une sorte de cachotterie bien tempérée. Quelques règles de base pourraient y présider. »[8]
Sans décrire le phénomène, ni revenir sur ses causes multiples, il faut noter que les nouvelles technologies de communication bouleversent non seulement la vie des êtres, mais également la structure traditionnelle du pouvoir. Jusqu’à une époque récente, les organisations reposaient depuis toujours sur des structures verticales où l’information était retenue à différents étages hiérarchiques.
Or, l’information se contrôle de moins en moins par la rétention. Elle a tendance à circuler et à contourner la hiérarchie. Elle induit sa propre transparence. Pour ne prendre que cet exemple, les courriels ont fait exploser exponentiellement les flux d’échange et le nombre de destinataires. Tout point de rétention peut être identifié et, si besoin, rapidement contourné. Celui ou ceux qui en sont la cause avec l’intention d’asseoir ou de préserver leur pouvoir, sont en réalité perdants en termes d’influence. Ainsi, le secret tend à ne plus être le levier de pouvoir qu’il a porté. L’opinion dominante est que l’information en général devrait être accessible à tous. Le partage de l’information est considéré aujourd’hui comme étant créateur de valeur au sein des entreprises[9].
Cette confrontation entre transparence et secret ressemble à la lutte éternelle, si bien décrite par Roger Caillois, du prédateur confronté à l’évolution des procédés de dissimulation mimétique utilisés par ses proies. Mais force est de constater que la transparence prédatrice progresse à grand pas au détriment des espaces privés.
Certes, la consécration du secret des affaires en Europe par la directive (UE) n°2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 suivie de sa transposition dans les droits nationaux donnerait un signe contraire. Elle a ainsi été dénoncée par certains comme une « inversion complète du mouvement pour la transparence ». Mais il y a fort à parier que ce mouvement de balancier rencontrera de nouvelles résistances.
L’arbitrage n’est bien évidemment pas resté à l’écart de ces débats.
LA CONFIDENTIALITÉ DANS L'ARBITRAGE : UN PAYSAGE AU RELIEF CONTRASTÉ
La fin de la présomption de confidentialité de l’arbitrage international - Portés par une tradition qui a longtemps prévalu, certains auteurs ont soutenu que l’arbitrage serait ontologiquement confidentiel. Autrefois, l’arbitrage relevait en effet du « gentlemen’s agreement », une justice privée qui n’avait pas besoin d’autres témoins que ceux qui étaient convoqués à l’audience.
Au-delà du caractère confidentiel du délibéré découlant de la nature juridictionnelle de la mission de l’arbitre, la nature contractuelle de l’arbitrage génèrerait une « obligation réciproque implicite de confidentialité »[10] couvrant les différentes séquences de la procédure arbitrale. Au point qu’une volonté expresse et conjointe des parties serait même nécessaire pour y renoncer.
Pour autant, l’opinion dominante tend aujourd’hui à considérer qu’il n’existe aucune obligation générale de confidentialité de l’arbitrage, ce qui peut semer le trouble si l’on part du principe que la confidentialité reste l’un des attraits de l’arbitrage et répond aux attentes de nombre de ses acteurs.
Avant la réforme de 2011[11], et après avoir longtemps considéré que la confidentialité relevait « de la nature de l’arbitrage », la jurisprudence française était très clairement revenue sur ce principe, la Cour d’appel de Paris ayant notamment jugé que « la partie qui requiert une indemnisation pour violation de la confidentialité de l’arbitrage doit s’expliquer sur l’existence et les raisons d’un principe de confidentialité dans le droit français de l’arbitrage »[12].
Depuis la réforme, l’arbitrage interne est présumé confidentiel[13] alors que l’arbitrage international ne l’est pas, ou, plus exactement, que la loi ne consacre en la matière aucun principe de confidentialité.
Une sentence arbitrale internationale[14], a précisément jugé que le droit français issu du Décret de 2011 n’instaurait aucune présomption de confidentialité dans les procédures d’arbitrage international.
L'étendue de la confidentialité : révélation de l'existence de la procédure arbitrale et régime des différentes séquences de celles-ci - Le sujet présente un relief assez contrasté si l’on compare les droits nationaux, la jurisprudence des tribunaux étatiques ou les règlements des institutions.
Le principe de la confidentialité a été consacré par divers droits nationaux, à commencer par la jurisprudence britannique et par des textes légaux dans certains pays comme la Nouvelle Zélande, la Norvège ou l’Espagne. Généralement, le principe couvre l’ensemble de la procédure, sous réserve de quelques exceptions.
La Hong Kong Arbitration Ordinance entrée en vigueur le 1er juin 2011 va jusqu’à préserver la confidentialité des audiences judiciaires en relation avec des procédures d’arbitrage (« closed courts »).
L’analyse des règlements d’institutions montre que la confidentialité n’est pas toujours abordée de manière uniforme. Il arrive qu’elle fasse l’objet d’une disposition (i.e. article 16- §4 du Règlement de l’AFA) ou d’un chapitre dédié (i.e. article 30 des LCIA Arbitrations Rules) quand d’autres traitent spécifiquement de la confidentialité en regard d’une ou plusieurs séquences de la procédure, comme par exemple la confidentialité des audiences ou la non-publication de la sentence (i.e. article 28.3. du Règlement de la CNUDCI : « L’audience se déroule à huis clos », article 34.5. du même règlement : « La sentence peut être rendue publique avec le consentement de toutes les parties… »).
Il est néanmoins possible de tracer quelques grandes lignes en s’intéressant tout d’abord au point de savoir si la confidentialité s’applique à toutes les séquences de l’arbitrage depuis son existence même.
Il est généralement admis, on l’a vu, que « la nature juridictionnelle de l’arbitrage fonde la confidentialité du délibéré arbitral »[15].
Le secret du délibéré est souvent consacré légalement, comme en France[16]. Mais il faut ici distinguer entre arbitrage interne et arbitrage international, puisque l’article 1506 du Code de procédure civile prévoit que les parties peuvent en décider autrement s’il s’agit d’une procédure arbitrale internationale. Cette différence de traitement revient à admettre la pratique des opinions dissidentes, pratique assez répandue en droit comparé.
Bien avant le délibéré, se pose également la question de savoir si l’existence même de la procédure arbitrale doit être protégée de la révélation.
Il semble qu’il y ait peu d’exemple en la matière. Une ordonnance de référé rendue il y a une vingtaine d’années par le Président du Tribunal de commerce de Paris est fréquemment citée pour avoir jugé que l’arbitrage « est une procédure privée à caractère confidentiel »[17]. Dans cette affaire, l’une des parties avait été sanctionnée pour avoir révélé publiquement l’existence de la procédure arbitrale ainsi que le montant des dommages et intérêts sollicités.
On notera que nombre de règlements d’arbitrage s’attachent à préserver la confidentialité de l’existence même de la procédure[18].
La confidentialité de l’audience arbitrale est par ailleurs un principe communément admis. Cependant, ce principe est généralement déduit, non pas de la confidentialité de l’arbitrage en tant que telle, mais du caractère privé des lieux où les audiences sont tenues.
Ce consensus n’empêche pas nombre de règlements de prévoir expressément le caractère privé des audiences[19].
La confidentialité des documents échangés au cours de la procédure arbitrale est un autre sujet, sans doute plus discuté. Plusieurs conceptions s’affrontent ainsi en droit comparé.
La jurisprudence anglaise consacre ainsi le principe de confidentialité de l’arbitrage et des documents produits dans le cours de la procédure[20]. Déduit à l’origine du caractère privé de la procédure[21], la confidentialité a par la suite accédé au rang de principe de droit, souffrant quelques exceptions bien circonscrites, telles que le consentement des parties ou la « reasonable necessity ».
Plusieurs pays se sont ralliés à cette conception. Ainsi par exemple la loi espagnole oblige aussi bien les parties, les arbitres et les institutions arbitrales à maintenir la confidentialité des informations parvenant à leur connaissance dans le cours des procédures arbitrales.
De même, la loi néozélandaise prévoit que les parties et le tribunal sont tenus par une obligation de confidentialité sous réserve de certaines exceptions. La Norvège fait également partie des pays protégeant la confidentialité de l’arbitrage et des éléments échangés au cours de la procédure.
Un nombre important de règlements d’institutions protègent également la confidentialité des documents. Il en va ainsi du règlement de la LCIA qui prévoit que tous les documents produits au cours de la procédure et la sentence sont confidentiels (article 30.1).
Il en va de même du Règlement d’arbitrage de l’OMPI (article 75 et suivants)[22], des Singapore International Arbitration Centre Rules (SIAC) (article 34), du Règlement suisse d’arbitrage international de l’Association des Chambres de commerce suisses pour l’arbitrage et la médiation (article 44), ou encore des Hong Kong International Arbitration Centre Administered Arbitration Rules (HKIAC) (article 39).
On notera enfin que le référentiel que constituent les règles de l’IBA[23] inclut le principe de confidentialité des documents échangés au cours de la procédure arbitrale (article 3.12).
La confidentialité de la sentence est également un sujet sensible. L’érosion du principe de confidentialité oblige à considérer que l’on ne peut présumer de façon générale d’une protection implicite contre la publication des sentences[24].
En Inde par exemple, le silence des parties à ce sujet ne leur permet pas de s’opposer à la publication de la sentence. En Chine, il n’existe aucune disposition permettant aux parties de s’opposer à la publication des sentences, étant précisé que le règlement de la China International Economic and Trade Arbitration Commission (CIETAC) reporte à trois ans le délai de publication sous forme de rapports édités par un « Cases Edition Committee ».
A l’opposé, de nombreux règlements préservent par défaut la confidentialité de la sentence, comme le règlement d’arbitrage de l’OMPI dont l’article 77 dispose expressément que « la sentence est traitée de manière confidentielle par les parties », ou l’article 30.3 des LCIA Arbitration Rules qui affirme tout aussi nettement le principe de confidentialité des sentences arbitrales : « The LCIA does not publish any award or any part of an award without the prior written consent of all parties and the Arbitral Tribunal ». De même, selon l’article 44 du Règlement suisse d’arbitrage international de l’Association des Chambres de commerce suisses pour l’arbitrage et la médiation « Sauf convention contraire expresse et écrite, les parties s’engagent à maintenir la confidentialité de toutes sentences et ordonnances… ».
On a vu précédemment que certains règlements, comme celui de l’AFA (article 16- §4), affichent un principe général de confidentialité couvrant celle de la sentence.
Quand bien même l’arbitrage serait confidentiel, la règle doit cependant s’effacer derrière certains principes, comme par exemple le devoir de révélation de l’arbitre[25] ou l’obligation légale d’information[26].
C’est surtout l’appel au juge d’appui ou l’exercice des voies de recours contre les sentences devant les juridictions étatiques qui, par la force des choses, fait tomber la confidentialité de la procédure.
Cependant, au-delà des droits nationaux et des règlements d’arbitrage qui consacrent la confidentialité de l’arbitrage de manière globale, le principe est rejeté, parfois catégoriquement, dans certains pays.
Si la jurisprudence américaine[27] retenait déjà que rien n’imposait la confidentialité de l’arbitrage, l’Australie est considérée comme étant à l’origine d’un mouvement d’une certaine ampleur, à la suite d’un arrêt rendu en 1995 par la High Court[28]. Cette décision a en effet jugé que la confidentialité ne constituait pas un attribut essentiel de la procédure qui aurait pour effet implicite d’obliger les parties à ne pas communiquer des informations, des documents ou des décisions de procédure.
Depuis, d’autres pays se sont ralliés à cette conception. En 2000, la Cour suprême suédoise a retenu qu’au-delà du caractère privé des audiences, rien n’interdisait aux parties de communiquer à des tiers des éléments tirés de procédures arbitrales[29]. La loi norvégienne de 2005, quant à elle, prévoit expressément que la procédure n’est pas confidentielle.
Dans plusieurs pays, on l’a vu par exemple pour l’Inde et la Chine, les sentences sont publiées.
De nombreux règlements d’institutions, à commencer par celui de la CCI, ne comportent pas d’obligation générale de confidentialité. Il en va de même du règlement de l’American Arbitration Association ou de celui de l’Arbitration Institute of the Stockholm Chamber of Commerce.
Toutefois, la confidentialité est alors placée sous le contrôle des arbitres, notamment par le biais d’ordonnances de procédure[30].
On évoquera incidemment l’arbitrage d’investissement, mais pour en souligner la spécificité. Certes, l’arbitrage CIRDI est marqué à plusieurs niveaux par la transparence de la procédure. Par défaut, des informations sont publiées sur les différends, les parties concernées, l’état de la procédure et les audiences, sauf opposition d’une partie, sont publiques. Mais la raison en est que les procédures concernées ne se cantonnent pas à la sphère de la « justice privée », en ce qu’elles sont susceptibles de faire intervenir des questions touchant à l’intérêt général. Il apparaît néanmoins que cette transparence a pu produire un certain rayonnement, ne serait-ce qu’en considération des adaptations de certains règlements et de la réforme française ayant réservé la confidentialité à l’arbitrage interne.
CONCLUSION
Si la confidentialité demeure aujourd’hui l’un des principaux atouts de l’arbitrage, il faut bien constater, soit que son attente n’est pas uniformément satisfaite soit que certaines places considèrent que cette attente n’est pas privilégiée.
On entend parfois qu’il en irait de l’intérêt de l’arbitrage de rompre avec un certain culte du secret. Ce mode de règlement des litiges susciterait une certaine méfiance, nourrie par la rumeur selon laquelle il serait aux mains d’une « caste » d’experts. Certains pensent que le développement de l’arbitrage nécessiterait aujourd’hui d’évoluer vers une plus grande transparence. Une meilleure accessibilité à la jurisprudence arbitrale répondrait ainsi à d’assez nombreuses attentes.
On notera incidemment qu’il peut arriver que la confidentialité de l’arbitrage s’accompagne d’une asymétrie de l’information induisant un déséquilibre entre les parties. Il en est ainsi dans le cadre de procédures d’arbitrage au sein des réseaux de distribution où la confidentialité sert les intérêts de la tête de réseau « car le directeur juridique d’un groupe a accès à toutes les décisions rendues face à ses affiliés, tandis que chacun d’eux, tenu dans l’ignorance, ne dispose d’aucune jurisprudence pour étayer ses arguments »[31]. On se souvient de cette affaire où un même arbitre avait été désigné successivement à trente-cinq reprises dans des litiges opposant des sociétés d’un même groupe de distribution à leurs franchisés. Il est vrai que la pathologie de ce cas d’espèce relève plus d’un manquement au devoir de révélation de l’arbitre que du principe de confidentialité.
En définitive, l’arbitrage restera toujours une justice privée et il faut s’en réjouir. De par sa nature contractuelle, il présente un assez bon potentiel de résilience face aux ambitions de la société de cristal. Un excès de transparence affecterait sans nul doute l’arbitrage.
Quoiqu’il en soit, face à une certaine érosion du principe de confidentialité, il incombe aux parties d’anticiper les risques. La solution la plus simple est sans nul doute de se référer à des règlements d’arbitrage soumettant expressément l’ensemble de la procédure au principe de confidentialité. Tel est le cas notamment du Règlement de l’AFA dont l’article 16- §4 dispose que « la procédure arbitrale et la sentence sont confidentielles ». L’autre solution repose sur la contractualisation de la confidentialité dans la rédaction de la clause compromissoire.
Antoine Fourment
Avocat, Carbonnier Lamaze Rasle & Associés
[1] Lucien Guirlinger, Professeur agrégé honoraire des Classes Préparatoires H.E.C., Chargé de conférence à la Faculté de Médecine d'Angers et à l'Institut Municipal [2] Secret vient du latin « secretus » (séparé, sans témoin) qui vient lui-même du terme « secernere » (mettre à part) [3]The Works of J. Bentham, éd. John Bowring, W. Tait, Édimbourg, 1843, t. IV, p. 316 [4]«[It] is of fundamental importance that justice should not only be done, but should manifestly and undoubtedly be seen to be done»R v Sussex Justices, Ex parte McCarthy ([1924] 1 KB 256, [1923] All ER Rep 233) [5] « Transparence : « La France a quitté le monde de l’opacité, de la connivence et de la complaisance » » - Antoine Flandrin Transparency International in Le Monde [6] Jean-Denis Bredin, « La transparence », Colloque de Deauville des 19 et 20 juin 1993 organisé par l’association Droit et Commerce, Revue de jurisprudence commerciale, Numéro spécial novembre 1993 [7]« Pour l'essentiel, l'homme est ce qu'il cache : un misérable petit tas de secrets », André Malraux - Antimémoires [8] Roger-Pol Droit, « Dangereuse transparence », in Les Echos, n°21046 du 26 octobre 2011 [9] Eric Albert et Daniel Nguyen Nhon, « N’obéissez plus ! » - Editions d’organisation – Paris 2002 [10] Eric Loquin – « Les obligations de confidentialité dans l’arbitrage » - Revue de l’arbitrage, Vol 2006, pp.3é » et s [11] Décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 [12] Paris, 22 janv. 2004, Société National Company for Fishing and Marketing Nafimco v société Foster Wheeler Trading Company AG, Revue de l’arbitrage 2004, p. 657-664, note E. Loquin [13] L’article 1464, dernier alinéa du Code de procédure civile dispose, que : « Sous réserve des obligations légales et à moins que les parties n’en disposent autrement, la procédure arbitrale est soumise au principe de confidentialité » [14]The Louis Berger Group Inc/Black & Veatch Special Projects Corp, Joint Venture v Symbion Power, LLC, ICC No. 16383/VRO [15] Eric Loquin – « Les obligations de confidentialité dans l’arbitrage » précité [16] Article 1479 du Code de procédure civile : « Les délibérations du tribunal arbitral sont secrètes. » [17] Ordonnance de référé du 22 février 1999, Bleustein et autres v. Société True North et Société FCB International [18] Voir par exemple l’article 75 du règlement de l’arbitrage de l’OMPI qui dispose qu’aucune partie « n’a le droit de communiquer unilatéralement à un tiers aucune information concernant l’arbitrage, à moins d’y être obligé par la loi ou par une autorité compétente... » [19] Voir par exemple LCIA l’article 19.4 des Arbitration Rules 2014 [20] Arrêt Dolling Baker v. Merret 1990 [21]«The concept of private arbitration "derives simply from the fact that the parties have agreed to submit to arbitration particular disputes rising between them and only them», Oxford Shipping Co Ltd v Nippon Yusen Kaisha [22]« … toute preuve écrite ou autre apportée par une partie ou un témoin à l’arbitrage doit être traitée comme confidentielle » (article 76) [23] International Bar Association (IBA) Rules on the Taking of Evidence in International Arbitration [24] La Cour suprême suédoise l’a écarté formellement dans son arrêt du 27 octobre 2000 – Aff Al Trade Finance - Revue de l’arbitrage 2001.821 [25] Cass. civ 1 20 mars 2013 , n° de pourvoi : 12-18238 [26] Selon le Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), le document de référence publié par les sociétés cotées doit mentionner l’existence des litiges, dont les éventuelles procédures arbitrales [27] Industrotech Constructors Inc v Duke University (1984) [28] Esso Australia Ressources Ltd v Sidney James Plowman, 11-3 arb. Int’l, 235 (1995) [29] Bulgarian Foreign Trade Bank Ltd v Al Trade Finance Inc [30] Article 22 (§3) du Règlement de la CCI « À la demande d’une partie, le tribunal arbitral peut rendre des ordonnances concernant la confidentialité de la procédure ou de toute autre question relative à l’arbitrage et prendre toute mesure pour protéger les secrets d’affaires et les informations confidentielles » [31] « Comment les franchisés sont pris en otages » - Le Point 23 juin 2011
DE L’ABSOLUE RELATIVITÉ DE LA CONFIDENTIALITÉ EN MÉDIATION[i] : CONTENU ET PORTÉE DU PRINCIPE EN DROIT FRANÇAIS
Aux sources même de la médiation, la confidentialité.
Il est en effet des affirmations que l’on peut soutenir avec force, la confidentialité n’est pas seulement inhérente à la médiation, elle constitue une garantie mais également une condition essentielle de l’efficacité du processus. Ce principe énoncé par la loi du 8 février 1995 dans son article 21-3 alinéa 1er[ii] a été renforcé par l’ordonnance du 16 novembre 2011[iii] qui en a étendu le champ et créé un principe général d’interdiction de la divulgation qui irrigue tout le processus, que la médiation soit un succès ou un échec et ceci, sous le contrôle vigilant du juge[iv].
La question est posée : qui est concerné par la confidentialité ; quelle en est l’étendue ; quand débute-t-elle et quand se termine-t-elle ?
Revenons en quelques lignes aux fondamentaux de la médiation, laquelle rappelons-le est un processus de résolution amiable des différends de par sa nature même conventionnel et consensuel, au cours duquel la parole peut et doit librement s’exprimer, comme condition nécessaire de la construction commune d’une solution dont l’objectif ultime est le rétablissement de la qualité relationnelle.
La médiation se parle. C’est un espace de communication dans lequel la place de la verbalisation est essentielle et implique que chaque partie puisse se confier librement au médiateur et à l’autre partie.
Sans confidentialité, le processus de rapprochement des parties a toutes les chances de ne pas aboutir. Alternative (et parfois complément) à l’arbitrage et au contentieux, la médiation qu’elle soit judiciaire ou conventionnelle, se caractérise par la souplesse dans le déroulé du processus, dont la confidentialité est le principal attrait, car le secret protège autant qu’il garantit et permet la liberté dans l’expression des échanges et le partage des informations, afin de faire émerger les intérêts cachés derrière les positions avancées.
Sur le papier le champ d’application de la confidentialité est étendu puisqu’elle couvre non seulement la confidentialité des informations produites par les parties mais également celle des informations émanant du médiateur[v]. Ce second aspect ne pose a priori pas de difficulté majeure. En revanche, le régime des informations produites par les parties peut prêter à confusion. Si les déclarations ou actes émis au cours de la médiation sont assurément couverts par la confidentialité[vi], les parties peuvent toutefois être amenées à communiquer des pièces à l’appui de leur position. La confidentialité ne saurait alors porter sur les moyens de preuve que détiennent les parties en cas d’échec de la médiation dans la mesure où le droit d’accès au juge doit être préservé[vii].
Le principe de confidentialité ne constitue cependant pas un principe absolu. Il est d’abord fragilisé par l’application des dispositions légales d’ordre public qui excluent la confidentialité lorsque l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord est nécessaire pour sa mise en œuvre ou bien en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant ou à l'intégrité physique ou psychologique de la personne[viii] et ne s’applique pas aux procédures pénales[xi].
Ensuite, si la confidentialité est bien un principe d’ordre public, il s’agit d’un ordre public de protection : la confidentialité de la médiation protège les intérêts privés des parties qui ont tenté de purger leur différend de sorte qu’elles peuvent y déroger[x], alors que le médiateur est tenu à une stricte confidentialité.
La médiation est donc le lieu de l’expression de la parole, couverte par le secret des informations quand la transparence deviendrait un obstacle à la résolution du différend. Secret, absence de contradictoire, libération de la parole sont les clés d’un processus qui permet d’explorer les non-dits, de les faire émerger au-delà des positions affichées. En médiation on creuse, on cherche, on explore, on dévoile... Le secret est la condition de la transparence, encore faut-il que cette transparence dans le secret ne soit pas instrumentalisée.
Des garde-fous sont donc nécessaires pour garantir le bon déroulement du processus, qu’il aboutisse ou bien qu’il échoue, et quand un accord n’a pu être trouvé la question de la confidentialité prend toute son acuité, et en constitue la principale vertu. Une ordonnance[xi] est venue préciser à ce propos que : « Le fondement du principe général du droit que constitue la confidentialité repose sur le souci de favoriser les accords amiables sans compromettre le droit de chacun, en cas d’échec, à un débat judiciaire loyal ».
La boucle est ainsi bouclée. L’efficacité de la médiation repose sur une approche de la résolution du différend en toute loyauté, dont l’instrumentalisation en compromettrait le développement harmonieux alors même que le passage d’un ordre juridique imposé à un ordre juridique négocié[xii] en exige plus que jamais la consécration.
Hedwige Caldairou
Avocat, Carbonnier Lamaze Rasle & Associés
[i] Il sera ici question de la médiation civile et commerciale uniquement, les interdictions, spécificités ou aménagements textuels relatifs à d’autres formes de médiation (comme la médiation pénale, familiale, sociale, de la consommation ou encore de branche ne sont pas évoquées dans le cadre de cet article). [ii] L’article 21-3 alinéa 1er de la loi du 8 février 1995 régit la médiation judiciaire (article 131-14 du CPC) comme conventionnelle (article 1531 du CPC) et dispose que « Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. » [iii] Ord. n°2011-1540 transposant la Directive du Parlement européen et du Conseil n°2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale [iv] Par exemple et de manière non exhaustive des informations soumises à la confidentialité peuvent être exclues des débats judiciaires sur la base du trouble manifestement illicite (art. 809 al. 1 et 873 al. 1 du CPC, TGI Paris, 18 janvier 1999, Recueil Dalloz p.102) ; possibilité de prévoir une clause pénale en matière de médiation conventionnelle ; ou bien encore, annulation d’une assignation produisant l’avis du médiateur d’une banque sur le fondement de l’article 114 du CPC (TGI Auch, 21 janvier 2011 et TGI Paris, 6 juillet 2011) [v] Article 21-3 alinéa 1 de la loi du 8 février 1995 [vi] Cass. 2e civ., 10 nov. 2016, n°15-25681, sur les contours de la confidentialité en médiation. Dans cet arrêt, (commentaire Marianne Lassner, Gaz. Pal. 17 janvier 2017, n°282n9, p.31) la Cour de cassation vient renforcer selon cette dernière, le poids de la confidentialité non seulement de ce qui se dit mais aussi de ce qui se fait pendant le cours d’une médiation. En effet, La Cour de cassation a estimé qu’« en relevant que les paiements effectués » par le débiteur « étaient intervenus au cours de la tentative de médiation ayant échoué et alors que les parties recherchaient une transaction » alors que le débiteur « avait précédemment conclu en soulevant la prescription de la demande », la cour d’appel en avait « exactement déduit que ces paiements ne caractérisaient pas la volonté non équivoque du débiteur de renoncer à se prévaloir de la prescription acquise et a déclaré, à bon droit, irrecevable comme prescrite l’action engagée par le créancier. » [vii] La confidentialité de la médiation en questions par Fabrice Korodi, JCP Edition Générale n°49, 3 décembre 2012, 1320 ; Rapport relatif à l’ordonnance n°2011-1540, 16 nov. 2011 : JO 17 nov. 201, p.19283 à 19285 [viii] Article 21-3 alinéa 3 de la loi du 8 février 1995 [ix] Article 23 de la loi du 8 février 1995 [x] Article 21-3 alinéa 1 de la loi du 8 février 1995 précité [xi] TGI Auch, 21 janvier 2011 précité [xii] Selon l’expression consacrée par le Professeur Cadiet « Construire ensemble une médiation utile », concl. Colloque du 19/05/2015
ACTUALITÉS DE L'ARBITRAGE
> Paris Arbitration Week 2019
Du 1er au 5 avril 2019, se tiendra la troisième «Paris Arbitration Week», un évènement incontournable pour LA ville de l’arbitrage, Paris. Tout au long de la semaine, de nombreux évènements, dont certains reportés ici, seront organisés.
La soirée d'ouverture, co-organisée par Paris Place d’Arbitrage, la Chambre de Commerce Internationale, le Comité Français d’Arbitrage et l'Association Française d'Arbitrage aura lieu le lundi 1er avril.
Les sections Arbitrage ADR et Droit maritime de la Société de Législation Comparée organisent à Paris le 1er avril 2019 une conférence sur « Droit maritime et arbitrage font-ils encore bon ménage ? ».
Dans le cadre de Paris Arbitration Week, en collaboration avec Wolters Kluwer, l’AFA organise le 2 avril 2019 une conférence sur le thème «Regionalization of Arbitration in Africa: Perspective of Three Arbitration Centers (CAG, CIMAC, MARC)».
Interviendront à cette conférence Dipna Gunoo, Présidente du MCCI Arbitration and Mediation Center de Mauritanis, Hicham Zegrary, Secrétaire Général du Centre International de Médiation et d'Arbitrage de Casablanca, Marie-Andrée Ngwe, Présidente Centre d’arbitrage du GICAM du Cameroun et le Président de l'AFA Marc Henry.
Les sujets suivants y seront notamment développés : la promotion de la diversité africaine et des talents locaux, les avantages du recours aux institutions arbitrales africaines, les solutions mises en place régionalement.
La conférence sera également diffusée par webinar, vous pouvez vous inscrire pour la suivre en direct le jour même ou la visualiser ensuite.
Le colloque annuel de Paris Place d’Arbitrage aura lieu le 2 avril 2019 en partenariat avec l’Université Paris I, Panthéon-Sorbonne, sur le thème « L’État de l’Arbitrage en Europe ».
La Global Pound Conference de Paris et le Conseil National des Barreaux vous invite le 4 avril à une conférence sur le thème “Les nouveaux horizons de l’arbitrage et des MARD”.
L'International Arbitration Institute organise le 4 avril au Palais de Justice une conférence sur le thème «The influence of French legal thinking on the development of arbitration law».
La section Arbitrage ADR de la Société de Législation Comparée organise à Paris le 4 avril 2019 une conférence sur « Exécution des sentences arbitrales et recours en annulation dans les pays arabes ».
La Société de Législation Comparée organise à Paris le 15 avril 2019 une conférence sur « Les innovations contenues dans le nouveau droit OHADA de l'arbitrage » par Gaston Kenfack DOUAJNI, Directeur de la Législation au Ministère de la Justice du Cameroun, Ancien Membre de la Cour International d’Arbitrage de la CCI, Membre du Board of Trustees du Centre Régional d’Arbitrage du Caire pour l’Arbitrage International (CRCICA), Membre du Conseil d’Administration de l’International Federation of Commercial Arbitrations Institutions (IFCAI), Président de la 49ème Session de la CNUDCI, Président de l’Association pour la Promotion de l’Arbitrage en Afrique (APAA), Vice-Président de l’African Arbitration Association (AfAA).
> Colloque International Journées méditerranéennes d’Alger
L’Institut Supérieur de Gestion et de Planification (ISGP), le Centre de recherches juridiques de l’Université de Franche-Comté (CRJFC), le Centre de droit des affaires et du commerce international de l’Université de Montréal (CDACI) et le Centre de recherche sur le droit des investissements et des marchés internationaux (CREDIMI) organisent un colloque sur le thème « Arbitrage, médiation et amélioration du climat des affaires : regards croisés Europe, MENA, Afrique » les 11, 12 et 13 mars 2019 à Alger.
> AfAA 1st Annual International Arbitration Conference
Themed «The Coming of Age of International Arbitration in Africa» the 1st Annual International Arbitration Conference will take place in Kigali, Rwanda on 3-4 April 2019. The conference will discuss Africa’s achievements in international arbitration to date and consider what more can be done to increase participation of Africans in international arbitration.
El XIV Congreso Internacional del CEA, bajo el título «Reforzando la credibilidad en el arbitraje: el Código de Buenas Prácticas del CEA», tendrá lugar del 16 al 18 de junio de 2019 en Madrid.
> Nouvelle parution | Art et techniques de la médiation
LexisNexis vient de publier la seconde édition d’« Art et technique de la médiation ». Cet ouvrage rédigé par Stephen Bensimon, Martine Bourry d'Antin et Gérard Pluyette, avec le concours de plus de soixante médiateurs et praticiens issus de toutes les cultures professionnelles et de tous types de centres de médiation en France, est très documenté, précis et enrichi de cas pratiques et de témoignages des médiateurs. Il apporte une analyse très complète de toutes les situations où la médiation peut être mise en œuvre.
> Cycle de conférences | Faculté de droit Julie-Victoire Daubié
La dernière conférence du cycle sur le thème « La médiation de la consommation : quelles pratiques ? » organisé par la Faculté de droit Julie-Victoire Daubié de l'Université Lumière Lyon 2, aura lieu le 12 avril 2019 avec Monsieur Christian Delesalle, Médiateur de la Fédération du Commerce et de la Distribution.
L’arbitrage est aujourd’hui un outil privilégié de règlement des litiges. La connaissance de ses textes et de sa jurisprudence est importante comme la maîtrise de sa pratique. Aussi l’AFA vous propose de participer, en nombre restreint, à un groupe de travail auquel il sera soumis un cas pratique à traiter, depuis sa naissance jusqu’à sa solution par le prononcé d’une sentence.
Acquisition de connaissances
Adaptation de compétences existantes
Partage de pratiques professionnelles
Apport de connaissances théoriques
Apport de connaissances méthodologiques
Temps d’échanges / débat avec les intervenants
C’est ce que l'AFA offre aux participants à sa formation LE CAS PRATIQUE DE L’AFA dans le cadre de cet arbitrage simulé. Les connaissances et compétences acquises serviront ensuite de référence pour toute forme d’arbitrage.
Cette formation interactive s'adresse aux avocats, experts, juristes, chefs d'entreprise, magistrats, professeurs ou toute autre profession : arbitres, conseils ou parties à l'arbitrage.
Le CAS PRATIQUE DE L'AFA se tiendra les lundi 8 et mardi 9 avril prochain à Paris.
Il sera animée par : Marc Henry, Président de l’AFA, Denis Bensaude, avocat aux barreaux de Paris et New York, Caroline Duclercq, avocat au barreau de Paris, Christophe Dugué, avocat au barreau de Paris, Pierre Duprey, avocat au barreau de Paris, Antoine Fourment, avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles, Laurence Kiffer, avocat au barreau de Paris, Detlev Kuehner, avocat aux barreaux de Paris et Stuttgart, Noël Mélin, Secrétaire Général de l’AFA, Bertrand Moreau, avocat au barreau de Paris, Ali Zarrouk, avocat au barreau de Paris et Roland Ziade, avocat aux barreaux de Paris, Beyrouth et New York.
Arrêts de Cours d'appel et de la Cour de Cassation
CA Paris 28 juin 2018 n°16-16859
Les exigences de la fonction de président d’un tribunal arbitral
Deux affaires d’arbitrage ont ces dernières années nourri la réflexion sur les conséquences du comportement des arbitres dans un contexte de fraude. Ces deux arbitrages avaient été mis en œuvre à partir d’un compromis, lui-même issu d’une convention particulière, et il s’agissait d’arbitrages ad hoc.
Ils ont été et sont encore dommageables à l’image de l’arbitrage par la publicité qui leur a été donnée et on aimerait pouvoir dire que l’exception confirme la règle, cette règle étant constituée par le respect de la Charte éthique de l’arbitrage adoptée en France par les institutions membres de la Fédération des Centres d’Arbitrage.
L’arbitrage ad hoc échappe à cette autorégulation et les parties en font les frais, sans compter l’arbitrage en lui-même, ce qui justifie le présent commentaire à propos de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, en matière disciplinaire, sur appel d’une décision rendue à l’encontre d’un avocat « apprenti sorcier » choisi comme président d’un tribunal arbitral pour trancher un litige complexe et portant sur des intérêts considérables tant financiers qu’artistiques et moraux.
Le litige a donné lieu à deux sentences arbitrales, toutes deux annulées par la Cour d’appel de Paris le 27 mai 2014, décision que la Cour de Cassation n’a pas sanctionnée par son arrêt du 4 novembre 2015, les pourvois ayant été rejetés. Ces annulations ont été provoquées par l’appréciation de ce que les sentences résultaient d’une fraude à l’arbitrage.
Parmi les motifs de l’arrêt du 28 juin 2018 on peut retenir ceux-ci :
« Considérant qu’une analyse, même sommaire de la situation aurait permis à M... de constater que les intérêts de la Fondation ..., n’étaient objectivement pas convenablement représentés, ce qui aurait dû, comme avocat, l’amener à refuser d’intervenir dans ces conditions,
Considérant par ailleurs que l’arbitre, même choisi par une partie, doit rester indépendant, une telle qualité étant comme le rappelle l’arrêt du 27 mai 2014 de cette cour, consubstantielle à l’arbitrage ; que le notaire choisi comme l’un des arbitres était au contraire particulièrement impliqué dans l’affaire puisqu’il était le rédacteur de l’ensemble des actes de donation remis en question et qu’il avait été membre du conseil d’administration de la Fondation depuis l’origine; que le choix de cet arbitre aurait dû également constituer un obstacle dirimant pour l’acceptation de la présidence du tribunal arbitral ; … Considérant que M..., qui n’était intervenu jusque là que la pour réaliser des arbitrages, à arbitre unique, en matière de conflits à propos d’honoraires, ne pouvait pas sérieusement estimer que cette expérience, pour intéressante et importante qu’elle fût, suffisait à le préparer pour mener à bien une procédure d’arbitrage complexe, portant sur des sommes très importantes, à la tête d’un tribunal arbitral, dans le domaine de l’art et des fondations qu’il ne connaissait pas puisqu’il intervient essentiellement dans le droit des sociétés et où ne figuraient pas de spécialistes de la matière litigieuse ; »
Cette motivation de la Cour d’appel interpelle nécessairement les candidats à la mission d’arbitre qui, même si aucune autre condition que la jouissance des droits civils n’est exigée, impose une connaissance des règles fondamentales de l’arbitrage et de sa pratique, avec la conscience de l’accomplissement d’une mission juridictionnelle.
L’attention des praticiens de l’arbitrage doit être attirée sur le fait que n’importe qui ne peut s’improviser arbitre et que ce dernier doit être nommé avec une attention extrême « Tant vaut l’arbitre, tant vaut l’arbitrage ».
Ce n’est donc pas pour rien que les institutions d’arbitrage, outre l’assurance dont elles font bénéficier les arbitres, ont développé des formations à l’arbitrage non seulement pour permettre à chacun d’en mesurer les avantages comme les inconvénients, mais aussi pour sensibiliser aux impératifs de cette procédure qui ne s’improvise pas et aussi pour choisir l’arbitre en toute connaissance de cause.
Les statuts d’une société contenaient une clause compromissoire qui reconnaissait à l’arbitre le pouvoir de procéder lui-même à l’évaluation des parts sociales de l’associé retrayant ou exclu et de statuer en dernier ressort.
Une partie contestant la valorisation de ses parts sociales faite par l’assemblée qui avait procédé à son exclusion, a assigné la société comme en référé pour voir désigner un expert en application de l’article 1843-4 du Code civil.
Le président du tribunal considérant l’existence d’une clause compromissoire, en application du principe compétence compétence (article 1448 CPC), a renvoyé les parties à l’arbitrage estimant que la clause compromissoire n’était ni manifestement nulle ni manifestement inapplicable.
Appel ayant été relevé de cette décision, la cour d’appel a déclaré cet appel irrecevable et la Cour de cassation dans son arrêt de rejet du 10 octobre 2018 a approuvé la cour d’appel d’avoir ainsi statué et précise, après avoir constaté que l’évaluation des parts sociales entrait dans le champ de la clause compromissoire :
« qu’après avoir retenu que le caractère d’ordre public de l’article 1843-4 du code civil n’exclut pas l’arbitrabilité du litige, l’arrêt décide exactement que la circonstance que cette clause accorde aux arbitres le pouvoir de procéder eux-mêmes à cette évaluation et de trancher le litige, contrairement aux pouvoirs de l’expert nommé en application de l’article 1843-4 du code civil d’évaluer sans trancher, ne la rend pas manifestement inapplicable ou nulle ; qu’en l’état de ces appréciations dont elle a déduit que ces points relevaient de l’examen par la juridiction arbitrale de sa propre compétence et que le premier juge n’avait pas commis d’excès de pouvoir, la cour d’appel a jugé à bon droit que l’appel était irrecevable ; »
Le caractère d’ordre public de l’article 1843-4 du Code civil avait jusqu’à présent interdit cette évaluation par un tribunal arbitral (CA Paris 21 mai 1996 note Viandier et Caussain JCP 1996.I) et la pratique s’était conformée à cette jurisprudence mais il est vrai que la clause compromissoire de l’espèce présentait la particularité de préciser que le tribunal arbitral aurait la mission d’évaluer les parts sociales. On peut se demander si des termes plus généraux auraient entraîné la même solution lorsque leur évaluation constitue effectivement le litige qui oppose les parties.
La décision des arbitres qui auront à se prononcer sur leur compétence s’avère d’ores et déjà importante pour la pratique de l’évaluation des parts sociales et on peut espérer que l’accord des parties, non sur le nom de l’expert, mais sur le recours à l’arbitrage sera considéré comme équivalent puisque le tribunal arbitral a compétence pour statuer sur l’évaluation des parts sociales d’après la clause compromissoire. On remarquera d’ailleurs que la Cour de cassation a relevé que l’arbitrage présente l’avantage de trancher le litige ce que ne fait pas l’expert qui peut seulement fixer le prix.
Le domaine de l’arbitrage, si cette interprétation était confirmée, pourrait ainsi s’accroître significativement dans une matière pour laquelle il a particulièrement vocation à intervenir dans l’intérêt de toutes les parties au point qu’il pourrait être judicieux de préciser ce pouvoir des arbitres dans les clauses compromissoires de conventions pouvant donner lieu à appréciation de la valeur des parts sociales.
CA Versailles 10 janvier 2019 n° 18-04046
L’interruption des délais et la médiation
L’attention est attirée par cette décision de la Cour d’appel relative aux effets de la procédure de médiation.
Dans cette affaire, après avoir reçu la déclaration d’appel, le greffe avait avisé les parties de ce que leur affaire faisait l’objet d’une proposition de médiation avec convocation à un rendez-vous d’information sur la médiation.
La convocation rappelait que « la décision d’ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur (article 910-2 du code de procédure civile) ».
Les parties ont comparu au rendez-vous fixé mais aucun accord ne s’est immédiatement concrétisé pour la mise en œuvre de la médiation, non plus que dans les semaines qui ont suivi.
Lorsque l’appelant a voulu conclure, la Cour lui a opposé que le délai pour le faire était expiré et donc la déclaration d’appel caduque.
La recherche d’une médiation est toujours louable mais il ne faut pas perdre de vue que seuls interrompent les délais de procédure comme de prescription l’accord des parties de recourir au processus de médiation ou à défaut d’accord écrit la première réunion de médiation conformément aux dispositions de l’article 2238 du Code civil. Il ne faut pas confondre réunion d’information avec réunion de médiation. L’intention d’aller en médiation est insuffisante.
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