Décembre 2014

N°14

 

Editorial


 

Après l’assurance, qui était le thème de notre lettre n°13, nous consacrons notre nouvelle lettre à l’économie de l’arbitrage.

Cette étude est faite sous la forme d’un dialogue entre deux grands praticiens de l’arbitrage : Maître Marie DANIS et Maître Jalal EL AHDAB, auxquels notre Secrétaire Général, Monsieur Noël MELIN, a posé de nombreuses questions.

L’on entend souvent dire que l’arbitrage est cher et la question est toujours posée de savoir ce qui dans l’arbitrage justifie un coût important : l’institution ou les conseils.

S’agissant de l’institution, son coût est justifié par les services qu’elle rend, rappelés par Monsieur EL AHDAB, qu’il serait peut-être utile de faire mieux connaître. Ils peuvent être modérés si les structures de l’institution sont légères, comme tel est le cas de l’AFA.

Choisir l’arbitrage ad hoc pour éviter le coût d’une institution n’est pas une bonne décision.

Les mesures d’urgence peuvent être sollicitées auprès de l’AFA, qui prévoit à l’article 13 de son Règlement l’organisation de la procédure d’urgence.

Le secret ou l’obligation de totale confidentialité n’est pas davantage une justification du recours à l’arbitrage ad hoc. Les institutions d’arbitrage et en particulier l’AFA conservent aux arbitrages menés conformément à son Règlement une confidentialité et un secret absolus, le Conseil d’administration n’étant pas informé des procédures suivies par le Comité d’arbitrage.

S’agissant des conseils, les coûts de l’arbitrage peuvent et doivent être maîtrisés, tant par les utilisateurs que par leurs conseils, et aussi par les arbitres relativement au temps qu’ils consacrent à la procédure, à l’audition des témoins, aux audiences.

Rechercher une phase amiable : conciliation ou médiation, est presque devenu une nécessité. A cet égard, l’AFA souligne qu’elle a introduit dans son Règlement une clause de médiation préalable à l’arbitrage, organisée conformément au Règlement de l’IEAM, avec lequel l’AFA a signé une convention de réciprocité.

Même en le réduisant, l’arbitrage a un coût et l’une des parties peut être confrontée à une impossibilité de l’assumer, notamment par suite de l’ouverture d’une procédure collective. Faut-il en ce cas demander au tribunal arbitral de ne pas examiner une demande reconventionnelle, au prétexte de la non consignation de la provision réclamée par l’institution d’arbitrage ?

N’y aurait-il pas rupture de l’égalité entre les parties et violation du droit à un procès équitable, si le demandeur reconventionnel n’a pu faire valoir ses prétentions à l’appui de ses demandes ?

Le déséquilibre financier à l’égard d’une partie faible dans l’arbitrage qui remonte à l’Arrêt PRUNIER de 1843, comme le rappelle Monsieur EL AHDAB, a pu amener certaines institutions à modifier leur règlement. Tel est le cas de l’AFA, qui laisse au tribunal arbitral le soin de décider s’il convient ou non d’abandonner la demande reconventionnelle d’une partie pour défaut de consignation de la provision réclamée par l’institution.

Peut-on envisager le recours à un tiers financeur ? Il semble qu’il ne s’intéresse qu’aux très gros litiges et en tous les cas, comme le souligne Madame Marie DANIS, l’idée a peu de chances de prospérer si le litige est modeste ou si une partie est en liquidation.

La lecture de cette lettre donnera, tant aux parties qu’aux arbitres et aux centres d’arbitrage des idées pour contrôler davantage les coûts, afin que l’arbitrage perde sa réputation d’être cher, mais comme l’assurance, il n’est cher qu’avant le litige.

Enfin nous profitons de cette lettre pour vous souhaiter à tous de très joyeuses fêtes et nos meilleurs vœux pour l'année 2015.

Genevière AUGENDRE
Président de l'AFA

 


SOMMAIRE


  

   ÉDITORIAL

   DOSSIER

L’ÉCONOMIE DE l'ARBITRAGE

Échanges entre
____

Monsieur Noël MÉLIN,

Secrétaire Général de l'AFA
____

Maître Marie DANIS

Associé, August & Debouzy
____

Maître Jalal EL ADHAB

Associé, Cabinet Ginestié
  Magellan Palley-Vincent
  
  

   ACTUALITÉS


  
INFORMATIONS

     - Accords de partenariat

     - Le Cas pratique de l'AFA

     - Groupes de réflexion

     - Présidence IEAM

     - Fédération des Centres  
       d'Arbitrage

       « L'éthique dans la conduite et 
       la gestion de l'arbitrage
»
       Jalal EL AHDAB


   JURISPRUDENCE

 

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DOSSIER

L'ÉCONOMIE DE L'ARBITRAGE

 

Pour avoir apprécié vos interventions lors du petit déjeuner "Wake up (With) Arbitration !" consacré aux coûts de l'arbitrage, il est paru intéressant à l'AFA de vous interroger sur l'économie des procédures d'arbitrage.

Noël MÉLIN (NM) : Certains prétendent réduire les coûts de l’arbitrage en s’abstenant de recourir à une institution d’arbitrage, d’autres au contraire soutiennent que le recours à un centre d’arbitrage serait un facteur d’économies. Qu’en pensez-vous ?

Marie Danis (MD) : Le recours à l’arbitrage institutionnel fournit une garantie supplémentaire aux utilisateurs. Ils seront notamment accompagnés dans la phase de constitution du tribunal arbitral. On peut penser également qu’une partie des risques de dérive liés aux coûts de l’arbitrage peuvent être jugulés par le recours à l’arbitrage institutionnel.

Je donnerai deux exemples :

- le corpus de règles constitué par le règlement constitue un socle commun à partir duquel les utilisateurs et les arbitres travailleront. Ils ne partent pas d’une feuille blanche. Il pourra toujours exister des points de désaccord mais ils se limiteront à ce qui n’est pas prévu par le règlement ;

- le règlement d’arbitrage encadre les honoraires des arbitres notamment.

C’est donc pour moi un facteur d’économie même si ce n’est pas forcément ce que des utilisateurs moins habitués à l’arbitrage entrevoient de prime abord.

Cela étant il existe des situations où les utilisateurs choisissent l’arbitrage ad hoc pour d’autres raisons que le coût. Lorsque par exemple, les utilisateurs sont des praticiens de l’arbitrage et que les possibilités offertes par un règlement, comme par exemple les mesures d’urgences, ne sont pas analysées comme particulièrement recherchées. Il en va de même lorsque l'affaire concerne une matière où le secret prime sur le toute autre considération.

Jalal El Ahdab (JEA) : Je comprends parfaitement que l’on puisse soutenir l’idée que l’arbitrage institutionnel permettrait, en fait, de faire des économies, sous-entendues comparé à un arbitrage ad hoc. Comme en sciences économiques, tout est en réalité question de mesure et de chiffres : il faut savoir apprécier la véritable valeur ajoutée économique du service administratif apporté par le centre (parfois ce " prix " est noyé avec celui des honoraires des arbitres, de sorte qu’on ne puisse séparer les deux et évaluer chaque service indépendamment de l’autre) et il faut savoir de quels services on parle. De ce point de vue, je pense que, dans l’environnement très compétitif dans lequel évoluent aujourd'hui les centres d'arbitrage, il ne serait pas inopportun pour ces derniers qu’ils détaillent les services rendus (démarrage de la procédure, désignation/récusation des arbitres, interface entre les parties et le tribunal, suivi des échéances procédurales, assistance aux arbitres, relecture et vérification de la sentence…) en mettant peut-être plus en avant la valeur ajoutée de chaque service apporté et en quoi ce service se distingue de celui apporté par une autre institution.

Si les utilisateurs se plaignent du coût élevé de l’arbitrage, ne pensez-vous pas qu’ils en sont pour partie responsables ?

MD : Les coûts de l’arbitrage devraient être l’affaire de toutes les parties à la procédure (les utilisateurs eux-mêmes, leurs conseils, leurs experts mais également les arbitres). On peut parfois déplorer que les utilisateurs les moins habitués à l’arbitrage en augmentent les coûts sans d’ailleurs quelque fois en prendre bien conscience.

NM : Vous avez raison. Il me semble que les utilisateurs ont une responsabilité majeure en amont des procédures sur l’économie de l’arbitrage. Le négociateur du contrat qui n’a pas l’expérience de l’arbitrage doit, s’il y insère une clause d’arbitrage, prendre l’avis d’un spécialiste de l’arbitrage.

MD : J’ai également pu observer, je dois le dire plus souvent chez la partie adverse que chez nos clients, des comportements de nature à augmenter significativement les coûts. Il s’agit notamment des stratégies de " guérilla procédurale ". L’exemple qui me vient à l’esprit est lié à la recherche de preuves. Nos adversaires, demandeurs à l’arbitrage, ont commencé par une procédure devant les Tribunaux français fondée sur l’article 145 du Code de Procédure Civil (CPC), pour ensuite dans le cadre de l’arbitrage et après la phase de production de documents (au cours de laquelle ils avaient fait des demandes pléthoriques), introduire aux États-Unis une procédure et solliciter un sursis à statuer dans l’arbitrage (qui a d’ailleurs été refusé). Lorsqu’ils ont été déboutés de leur demande de production par les tribunaux américains, nos adversaires ont à nouveau sollicité dans la phase de quantum de l’arbitrage un nombre très significatif de documents.

Il arrive également que le périmètre de la demande soit trop imprécis, qu’il y ait une multiplicité de demandes d’indemnisation dont certaines se recoupent. Il faudrait arriver à convaincre certains utilisateurs qu’ils se fourvoient, ce qui n’est toujours facile. Cela arrive beaucoup moins quand l’équipe " avocat/client " travaille depuis un certain temps ensemble.

JEA : Difficile, selon moi, de pointer du doigt les (seuls) utilisateurs plutôt que les conseils ou les arbitres ou davantage les uns que les autres : il s’agit indiscutablement d’une responsabilité collective et si l’on a laissé parfois l’arbitrage dériver dans le contexte actuel, chacun, à son niveau, doit y avoir contribué d’une manière ou d’une autre, en ce compris les conseils. Dans mon modeste rôle, j'invite, dès que j’en ai l’occasion, le client à prendre ses responsabilités et donc possession de la procédure et à en déterminer, au-delà de la stratégie procédurale, les modalités pratiques de mise en œuvre. D’ailleurs, je note qu’il existe déjà une prise de conscience de beaucoup de directeurs juridiques qui ont compris l’importance pour leur entreprise de ne pas tout déléguer à leur conseil : il arrive souvent que les personnes en charge du dossier dans l’entreprise prennent l’initiative de rédiger de a à z une attestation de témoin, qu’ils aient déjà un système – interne ou externalisé – de traitement des documents et courriers électroniques, qu’ils mettent à disposition les équipes nécessaires selon les grandes étapes de la procédure …

Cela étant dit, et pour reprendre les exemples de Marie, on ne peut nier qu’il existe des dérives procédurières et " guerrières " dans l’arbitrage. En réalité, on constate qu’elles sont très souvent le fait des défendeurs, ce qui n’est pas sans surprise : si une partie est " sur la défensive ", il est devenu courant pour elle d’utiliser toutes les armes possibles, même les plus extrêmes (la déstabilisation du tribunal est ainsi devenu monnaie courante) pour neutraliser les attaques de son adversaire, sachant que, souvent, le seul fait que cette partie soit défenderesse l’a rend d’autant plus agressive que l’on peut penser, a priori, qu’elle est fautive. Mais, il est vrai aussi que les demandeurs peuvent être à blâmer lorsqu’il s’agit d’apprécier l’efficacité procédurale de l’arbitrage qu’ils ont initié : il n’est ainsi pas rare de voir des demandeurs, pourtant à l’origine de l’arbitrage, demander de longs délais pour soumettre leur premier mémoire …

Read Document production under french law

Read Witness evidence under french arbitration law and practice

 

Et les arbitres ?

MD : S’agissant des arbitres, je dois dire que je n’ai pas eu de mauvaise expérience (de ce type) à l'exception peut-être d'une affaire où les arbitres se sont affranchis du barème de l’institution d’arbitrage en arguant de la grande complexité du dossier. J’ai l’impression qu’une majorité des arbitres qui ont bien compris que les utilisateurs émettaient des critiques justifiées sur les coûts de l’arbitrage sont beaucoup plus attentifs à cette question. Ils ont raison s’ils veulent que l’arbitrage conserve une attractivité suffisante et que partant leur carrière soit longue.

Il faut bien évidemment choisir un président du tribunal arbitral qui a une expérience significative de la procédure d’arbitrage. Il sera à même de canaliser les éventuelles dérives qu’une des parties ou ses conseils pourraient être tentés d’introduire. J’ai assisté à plus de dérives lors d’expertises judiciaires. De mon expérience, l’institution d’arbitrage joue plus efficacement son rôle à ce titre que le Juge chargé du contrôle de l’expertise (mais les barèmes ne sont pas comparables de même que les rapports entre les personnes).

JEA : Là encore, il n’est pas exclu qu’on blâme par trop les arbitres pour le manque d’efficience économique dans la conduite des arbitrages. Mais, on met aussi, un peu trop facilement, dans le même sac des catégories d’arbitres qui ne peuvent être ainsi catégorisés : l’arbitre unique et les co-arbitres, l’arbitre choisi par les parties et l’arbitre désigné par le centre, l’arbitre dans un litige interne et celui dans un arbitrage international, l’arbitre-expert et l’arbitre-star … Comment assimiler toutes ces catégories et les rendre tous responsables de l’explosion des coûts de l’arbitrage ?

Qu’il manque à certains arbitres du courage pour " faire la police de l’arbitrage " et le rendre plus économe, c’est un fait. Il faut toutefois pouvoir disposer d’une autorité, et surtout d’une légitimité, certaines, pour pouvoir imposer cette police, ce qui n’est le cas que d’une petite minorité d'arbitres. D’ailleurs, que l’on songe aux tout premiers arbitrages de ces arbitres devenus aujourd'hui des célébrités : ces derniers disposaient-ils alors du même confort pour « en imposer » ? Mais surtout, comment occulter ici le fait que l’arbitre est aussi un prestataire de services qui, invariablement, cherchera à être retenu pour d’autres désignations ? Voilà un paramètre économique, consubstantiel à l’arbitrage et sur lequel nous n’avons encore que peu d’emprise aujourd'hui … Toutefois, si cette dimension économique devait être vraiment admise et assumée, alors, il est vrai, il conviendrait d’en tirer toutes les conséquences et notamment le fait que l’arbitre est tenu, comme tout opérateur évoluant sur un marché, de toujours prendre en compte les moyens et le temps nécessaires pour trancher le litige en fonction des enjeux et de la complexité du litige. Ce n’est pas toujours le cas.

 

Les conseils n’ont-ils pas également leur part de responsabilité ?

MD : Les conseils ont un rôle essentiel pour maîtriser les coûts.

Avant la procédure, ils doivent bien conseiller leurs clients sur le choix du mode de résolution du litige. Il ne faut pas, par exemple, systématiquement conseiller le recours à l’arbitrage. Dans certains cas, le recours au juge est plus adapté. Ensuite si les utilisateurs sont d’accord pour recourir à l’arbitrage, les conseils doivent leur proposer un arbitrage qui correspond à leur attentes notamment en termes de coûts. Le choix de l’institution est une des données primordiales, le lieu de l'arbitrage et la langue de l'arbitrage (notamment les coûts de traduction, mais aussi les transcripts) ont également une influence sur les coûts, et le droit applicable au fond est également un facteur qu’il ne faut pas négliger.

Là où il y a souvent une forme de contradiction interne chez l’utilisateur, c’est qu’il souhaite bien souvent la collégialité (trois arbitres) mais voudrait que les coûts soient équivalents à ceux d’un arbitre unique.

NM : N’est-ce pas une conséquence de sa crainte inavouée ou non de l’arbitre unique ? Le fait que  sa désignation échappe le plus souvent aux utilisateurs peut être également une explication.

MD : Oui, vous avez raison. Il y a ce réflexe de ne pas vouloir abandonner la prérogative de choisir « son juge ». Dans le conseil donné au moment de la rédaction de la clause, il y a aussi la possibilité de prévoir une phase amiable avant de débuter l’arbitrage ou même une clause de conciliation ou de médiation. Même en cas d’échec, ces confrontations sont utiles aux utilisateurs et à leurs conseils pour mieux analyser la solidité de leurs positions, comprendre la psychologie de l’adversaire et donc définir de manière plus fine sa stratégie.

Lorsque le litige est né, la meilleure garantie est dans le choix des arbitres. Au-delà de ce choix, il faut avoir une discussion très ouverte avec son client sur la stratégie procédurale mais aussi sur les moyens de droit à retenir. Il faut anticiper le risque d’escalade et bien vérifier que son client est prêt à en assumer les conséquences notamment financières. Plus on gagne en expérience comme conseil, plus cette phase est analysée comme cruciale. Il faut arriver à démêler ce qui est de la posture (position très forte et agressivité de départ) de ce qui va tenir dans la durée. Le plus difficile pour le conseil est de convaincre son client qu’il croit au dossier tout lui disant quelque fois qu’il est de son intérêt de réduire ses demandes, de ne pas adopter une stratégie trop agressive. Lorsque le litige éclate, le client va souvent rechercher un conseil qui dégagera l’agressivité qu’il projette à cet instant mais, avec le temps qui passe, sa vision des choses va changer. Il faut anticiper cela.

JEA : Je partage totalement l’avis de Marie plus haut : le meilleur service qu’un conseil peut rendre à son client, c’est de commencer par anticiper, voire d’éviter le litige. Cela commence par la rédaction d’une " bonne " clause de règlement des litiges, ce qui inclut aussi bien le processus – en s’assurant que le confrère « transactionnel » en charge de la rédaction, par exemple d’un pacte d’actionnaires, sollicite bien son confrère spécialiste du contentieux et des ADR – que le contenu de cette clause. Car il faut s’interroger, dans chaque cas et de manière rigoureuse, sur l’opportunité du recours à l’arbitrage et sur tous ces mots, souvent anodins – siège, langue, un ou trois arbitres, nationalité du président … – mais qui, lorsqu’ils sont scrutés dans toutes leurs conséquences financières, permettent de dresser un tableau de bord relativement précis sur le coût futur d’un arbitrage (par exemple : si l’on choisit telle ou telle ville comme siège, sait-on ce que coûtera un éventuel recours en annulation dans ce pays ?).

Par ailleurs, un conseil, véritablement soucieux des coûts, ne fermera jamais la porte, même une fois le litige né, même en fin d‘arbitrage et alors qu’il estime qu’il a toutes les chances de l’emporter, à la médiation et devra, en tout état de cause, bien maîtriser les techniques qui y sont relatives, seul gage d’une résolution économe du conflit. Cela signifie concrètement que les spécialistes de l’arbitrage doivent non seulement se mettre sérieusement à la médiation, mais aussi sortir d’une bulle contentieuse et se muter en " deal-maker " : c’est aussi cela régler le litige de façon économe et c’est ce à quoi semblent aspirer de plus en plus d’utilisateurs aujourd'hui.

Les avocats peuvent-ils discipliner leurs clients ?

MD : Je ne sais pas si les avocats arrivent toujours à convaincre leurs clients de suivre les conseils qu’ils leur donnent ! Je pense qu’il faut impérativement faire tous les efforts nécessaires au début du dossier pour convaincre son client d’adopter une approche raisonnable. C’est souvent difficile mais je pense que c’est profondément notre rôle de conseil que de dire là où on peut aller et là où l’on pense qu’on va fragiliser son dossier en adoptant un ton, des moyens en décalage avec l’analyse que l’on fait du dossier. Il faut du courage c’est évident !

JEA : Là encore, je pense qu’une relation où le conseil " disciplinerait " son client, notamment sur les aspects " éthiques " et " ce qui se fait et ne se fait pas " n’est pas toujours compatible avec la réalité de cette relation, laquelle demeure fondamentalement économique et marquée par un certain déséquilibre en faveur du second qui dicte quelque peu la stratégie et le rapport de force.

Il est vrai toutefois que l’avocat est souvent écouté et se doit aussi d’être pédagogue – n’est-ce pas sous-entendu dans le terme même de " conseil " ? – et, s’il croit dans les vertus de l’arbitrage international, est tenu d’en expliquer la philosophie à son client : le fait qu’il s’agisse d’un système juridictionnel privé dans lequel d'autres " juges ", le plus souvent de grande qualité, sont payés pour rendre la justice, l’équilibre politique au sein d’un tribunal aux intérêts et aux sensibilités culturelles, y compris procédurales, différentes, l’exigence dans l’exactitude et la qualité des arguments factuels et juridiques soumis aux arbitres … sont autant d’éléments auxquels un client, peu au fait de l’arbitrage, devra être sensibilisé.

Si la mise en place d’une procédure d’arbitrage traduit la volonté des parties de résoudre ainsi leur différend, les moyens déployés pour mener à bien cette procédure s’inscrivent-ils toujours dans cette volonté conjointe, notamment lorsque s’affrontent des parties n’ayant pas toutes la même capacité d’en supporter les coûts ?

MD : Les coûts de la procédure d’arbitrage (surtout si on les compare avec le recours à la justice étatique en France) peuvent être dissuasifs et créer une forme d’inégalité entre les parties. Au-delà des cas où en matière interne par exemple, le recours à l’arbitrage n’est pas admis, il y a des situations où les professionnels parties à la clause n’ont pas la même puissance de frappe (et la même maîtrise de la procédure). Il y a deux problématiques selon moi : une des parties n’a pas ou peu les moyens de financer la procédure. Elle peut toutefois recourir aux tiers financeurs, ce que son adversaire ne saura pas forcément. La partie en situation prédominante tentera d’exploiter le manque de moyen présupposé ou réel de l’autre partie en cherchant à renchérir les coûts de la procédure pour l’essouffler. L’avocat de la partie impécunieuse devra tenter d’empêcher cette tactique et l’arbitre pourra résister.

L’autre difficulté est liée au fait que les parties qui ne sont pas des praticiens de l’arbitrage choisissent souvent des avocats qui ne sont pas suffisamment expérimentés dans cette matière (maintenant qu’il y a des filières d’apprentissage on peut espérer que les choses vont changer). Il faut donc tenter de les orienter vers des spécialistes qui connaissent bien la procédure, qui les conseilleront utilement dans le choix des arbitres notamment.

JEA : La problématique de la partie faible et du déséquilibre financier dans l’arbitrage est assez ancienne (Arrêt Prunier de 1843) et il est étrange de relever que, pour un droit (de l’arbitrage) aussi préoccupé par le principe d’égalité des parties, rien n’a encore été pensé – ou du moins concrètement fait – pour assurer cette égalité au niveau des moyens financiers à disposition des parties. Le principe de proportionnalité entre le litige en jeu, a fortiori s’il doit être financièrement limité, et les moyens juridiques, est un principe très proche d’un autre, qui, à mon sens, devrait être (davantage) consacré et sanctionné dans l’arbitrage : celui de l’efficacité (par ailleurs reconnu, il est vrai, dans le nouveau droit français de l’arbitrage). Mais, il faut bien prendre garde ici à ne pas brider la liberté des parties, tout aussi fondamentale, notamment dans leur défense et les moyens mis en œuvre pour l’assurer, car c’est cette liberté qui doit (encore) prévaloir dans l’arbitrage.

Il y a de nombreuses parades pour pallier à ce déséquilibre. Le premier est préventif et relève de la compétence du conseil : il faut bien expliquer – et réexpliquer – aux parties qui veulent, au moment de la négociation, insérer une clause d'arbitrage dans leur contrat, toutes les conséquences financières et concrètes liées à ce choix (comme par exemple l’obligation fréquente de payer la part des frais de l’arbitrage qui doit revenir à la partie défaillante et donc de financer tout l’arbitrage). Les formations, notamment celles de l’AFA, peuvent également aider dans ce sens. Il y a également des solutions a posteriori, comme le recours aux tiers financeurs dont parle Marie plus haut. Mais il faut bien réaliser que le marché des tiers financeurs prêts à intervenir dans un litige au montant limité (quelques centaines de milliers d’euros) reste encore à ses balbutiements …

Peut-on toujours lier ces moyens à l’enjeu du litige ? Devrait-on le faire ?

MD : Il est souhaitable mais pas toujours facile de concevoir la procédure en fonction des enjeux du litige. L’arbitrage offre l’avantage indéniable de permettre aux parties et à l’arbitre de modeler la procédure. Il existe une grande liberté. Il me semble qu’on peut simplifier, épurer la procédure lorsque le dossier est simple. Il faudra se poser la question de la nécessité par exemple d’une phase de production de documents, de la production de témoignage écrits qui entrainent ensuite des auditions de témoins, de la pertinence d’étaler la procédure sur une période importante. Que faire toutefois lorsque des questions complexes se posent tant sur le plan technique que juridique, quand les demandes et les moyens sont aussi nombreux que divers ? Il faudrait arriver à obtenir des parties de rationaliser leurs demandes, elles y arrivent bien devant les tribunaux étatiques car elles savent alors qu’il est trop risqué de leur présenter un dossier indigeste. Pourquoi pas en arbitrage ?

JEA : Le coût d’un arbitrage est, selon moi, déterminé par quatre principaux facteurs, dont la pondération peut varier d’une affaire à l’autre : l’enveloppe procédurale (arbitrage institutionnel ou ad hoc, nombre d’arbitres, barème), la nature (factuelle) du litige, la complexité technico-juridique du litige et enfin, mais dans une moindre mesure je pense, le montant en jeu.

Ces quatre curseurs doivent permettre aux parties, et notamment à leurs conseils qu’elles viennent voir au tout début d’un litige, de dresser un tableau de bord : c’est à ce moment qu’il est probablement le plus opportun de déterminer quels pourraient être les moyens à déployer qui seraient en adéquation avec les enjeux (en ce compris, la probabilité de l’emporter ou de succomber, l’impact financier et immatériel d’une victoire ou d’un arbitrage perdu). Les centres d'arbitrage ont tous développé une expérience et une expertise certaines en matière d’anticipation du coût d’un arbitrage (puisqu’elles doivent apprécier les provisions et frais permettant de financer la procédure), en ce compris les frais d’avocats. Il serait sans doute opportun qu’elles diffusent ces informations, sur une base qui peut rester anonyme, afin que les utilisateurs se fassent une idée plus précise des enveloppes budgétaires à prévoir, selon les quatre paramètres mentionnés ci-dessus (et si toutefois elles peuvent également avoir accès aux sentences correspondantes).

Oui, la communauté arbitrale devrait diffuser, et progressivement exiger l’idée d’une règle de proportionnalité entre les moyens et l’enjeu du litige, à condition que ces enjeux ne se limitent pas aux montants en jeu, mais également à la complexité du litige. Ce sont les fameux quatre critères. Peut-être y en a-t-il d’autres, mais ceux-là me semblent les plus déterminants à l’heure de jauger les moyens à mettre en œuvre dans l’arbitrage.

Que pensez-vous de la proposition d’un juriste d’entreprise de former les arbitres aux techniques de gestion de la procédure ? Case management.

MD : On ne peut qu’être favorable à une meilleure connaissance et maîtrise par les arbitres des techniques de gestion de la procédure. Les arbitres expérimentés les utilisent, je pense surtout à la possibilité de segmenter la procédure lorsque cela contribue à la rendre plus efficace. Les avocats des parties sont toutefois souvent réticents à se voir imposer une gestion de la procédure trop directive (notamment limitation ou exclusion de la phase de production de documents, questions qui seront à trancher uniquement sur pièces, limitation de la longueur ou de la portée des écritures). Ces limitations sont légitimes lorsque le dossier est relativement simple ou lorsque les questions sont bien délimitées quand ces mesures de gestion de la procédure sont décidées. La tenue d’une conférence téléphonique d’organisation des audiences est en général souhaitable.

JEA : Tout effort en direction d’une plus grande circulation de l’information et des " meilleures pratiques " en matière de gestion efficace des procédures arbitrales doit être encouragé. Cette proposition va donc incontestablement dans le bon sens. Mais on peut également garder à l’esprit que la promotion de certaines techniques de conduite de l’arbitrage participe à la tendance, par ailleurs parfois critiquée (v. ci-dessous), d’une trop grande standardisation de l’arbitrage. On voit bien donc que, même dans un esprit constructif, on ne peut si aisément apporter des réponses à un système aussi développé et sophistiqué qu’est l’arbitrage.

Un arbitre directif peut-il être directif sans pour autant réduire la liberté des parties d’organiser la procédure ?

MD : Si les parties sont d’accord sur la procédure, l’arbitre est souvent plus en retrait. Si les parties ne sont pas d’accord sur la procédure alors l’arbitre tranchera les points de désaccord. L’arbitre devra être directif sans fragiliser sa sentence et l’on sait que la partie qui veut obtenir plus en matière de recherche de preuves notamment agitera des concepts tels que le respect du principe du contradictoire ou l’égalité des armes pour tenter de parvenir à ses fins. Là encore seul un arbitre expérimenté saura là où il peut aller sans mettre en danger la procédure. Il ne faut toutefois pas que la procédure d’arbitrage permette d’aller à la pêche aux informations en espérant nourrir ensuite une future procédure ! L’arbitre doit avoir le courage de rappeler aux utilisateurs les devoirs de loyauté et de diligence qui pèsent sur eux.

JEA : De deux choses l’une. Soit l’on envisage l’efficacité, qui justifierait l’interventionnisme directif d’un arbitre, comme un (nouveau) principe fondamental de l’arbitrage qui doit s’imposer, par exemple au même titre que le principe de compétence-compétence, quitte à ce que ce soit, indirectement, aux dépens de la volonté des parties. Cette thèse peut se défendre mais présente des limites et des risques. Soit, de manière plus subtile, on peut estimer que, lorsque les parties ont contracté une clause compromissoire, elles ont, implicitement mais sûrement, voulu un mode de règlement de leurs litiges efficace et économe : de ce point de vue, l’arbitre directif tirera son autorité, pour organiser au mieux la procédure, de la volonté même des parties, qui ne pourront ni alourdir ni retarder le bon déroulement de l’arbitrage, sous peine même de sanctions.

Pensez-vous que le remboursement des frais internes que les entreprises exposent pour la procédure arbitrale est un moyen de réduire les coûts de l’arbitrage ?

MD : Je ne suis pas opposée au remboursement des frais internes que les entreprises exposent pour gérer le dossier d’arbitrage. Elles peuvent légitimement faire le choix d’internaliser une partie des dépenses d’arbitrage. Je pense toutefois que c’est une question qui devrait être débattue dès le début de la procédure. En effet, chacune des parties choisira alors d’internaliser ou d’externaliser ses frais et de les mesurer de manière adaptée si elle les internalise (certaines entreprises qui disposent de services juridiques centralisés qui facturent le temps passé par leurs juristes aux filiales opérationnelles assurent une bonne traçabilité des dépenses, dans d’autres la comptabilisation est un peu empirique). Il faut que les arbitres puissent, quand ils examinent les demandes des parties sur les coûts, juger de la réalité de ces frais internes.

JEA : Mon expérience personnelle m’a conduit à constater que certaines entreprises – mais cela reste encore l’exception – faisaient le choix, justement pour des raisons d’économie, de ne pas externaliser la gestion d’un contentieux arbitral et qu’elles étaient parfaitement en mesure de les traiter en interne, ce qui est d'ailleurs parfaitement compatible avec la flexibilité de l’arbitrage (qui n’impose pas de représentation obligatoire). De ce point de vue, le remboursement des frais internes exposés par la partie n’est pas simplement opportun : il est nécessaire.

En revanche, sur la question spécifique de savoir si un tel remboursement est un moyen efficace de réduire les coûts de l’arbitrage, je suis plus réservé. J’ai noté que le remboursement de ces frais n’était pas toujours (intégralement du moins) accordé par les tribunaux, même lorsqu’ils étaient parfaitement justifiés et minutieusement documentés. Ce qui ne contribue pas du coup à atteindre l’objectif de réduction des coûts en question ici. Par ailleurs, je pense que la question de l’allocation des frais de l’arbitrage, comme sanction d’un comportement abusif ou retardataire, doit davantage être utilisée par les arbitres pour bien alerter les parties et leurs conseils, en amont de l’arbitrage, qu’ils auront les moyens d’assurer une procédure efficace : c’est ce que l’on peut appeler une gestion à la fois préventive et sanctionnatrice de l’arbitrage.

La standardisation des procédures arbitrales à laquelle nous assistons est parfois présentée comme un facteur de simplification contribuant à diminuer les risques de conflits sur le déroulement de la procédure. Pour autant, elle fait perdre à l’arbitrage sa flexibilité et sa capacité d’adaptation aux besoins réels des parties et à la mesure du litige[i]. Qu’en pensez-vous ? Ne pourrait-on songer à rechercher l’équilibre entre ces tendances contradictoires ?

MD : Je comprends que cette " standardisation " à laquelle vous faites référence peut servir de point de départ pour la discussion du calendrier de la procédure et l’ordonnance de procédure. Il faut toutefois éviter de plaquer un " standard " sophistiqué qui est adapté à des arbitrages internationaux complexes et à enjeux financiers importants à toutes les procédures d’arbitrage, qu’on parle de petits dossiers internationaux ou même d’arbitrages internes. Il faut faire du " sur mesure " c’est tout l’intérêt de l’arbitrage. Là encore si l’une des parties, soit à des fins dilatoires, soit par choix tactique, tente d’imposer une procédure particulièrement lourde alors que ni l’enjeu, ni la complexité des questions ne le justifient, les arbitres devront se montrer suffisamment directifs pour couper court à cette stratégie. La situation la plus difficile est sans doute celle dans laquelle les arbitres considèrent que les parties se sont accordées sur une procédure trop lourde au regard du dossier.

JEA : La discussion autour de la standardisation s’était récemment cristallisée autour de la fameuse " ordonnance de procédure n°1 " : quel contenu, à quel moment précis, quelle exhaustivité, quelle fonction ? Je vois d'ailleurs un autre phénomène, encore plus ancien, se répandre aujourd'hui : le sentiment, même dans des arbitrages ad hoc et même dans les arbitrages institutionnels alors que le règlement ne l’impose pas, qu’il faut à tout prix préparer un acte de mission ! Même si je conçois qu’un tel acte peut être parfois utile, voilà, typiquement, une source de coût qui pourrait souvent, à mon sens, être évitée.

Pour autant, la standardisation ne doit pas nécessairement s’entendre de manière négative, comme d'ailleurs le sous-entendent ceux qui la présentent comme un facteur de simplification et donc d’économie : si vous me permettez l’analogie, je pense qu’il faut la voir comme une carte de restaurant, très complet, avec des menus différents dans lesquels chacun doit pouvoir " faire sa sauce " et y trouver les outils adéquats, justement pour arriver à un bon équilibre entre, d’un côté, une procédure respectueuse des droits processuels fondamentaux, notamment en matière d’administration de la preuve, et, de l’autre, une procédure soucieuse d’efficacité et de limitation des coûts. Il n’est pas inutile, selon moi, d’avoir aujourd'hui de plus en plus de sources informelles dans lesquelles puiser pour savoir " ce qui se fait et ce qui ne se fait pas ", même si ces guidelines doivent continuer à se présenter comme non obligatoires.

Pensez-vous que les parties pourraient se prémunir d’une éventuelle escalade des coûts en encadrant ou en excluant certaines pratiques dans la rédaction des clauses d’arbitrage (limitation de la discovery, témoignages exclusivement écrits ou limitation des audiences de témoins...) ?

MD : L’idée est séduisante ! Il faut toutefois pouvoir anticiper les litiges qui vont naître du contrat. Il me semble que cela pourrait être utilisé pour les contrats de franchise par exemple. Pour des opérations de construction, je ne sais, il faut sans doute demander aux professionnels du secteur.

JEA : Je suis d’accord : l’idée me paraît de prime abord séduisante, mais seulement " sur le papier " (sur lequel figure la clause), si vous me permettez l’expression. Pourquoi ? Parce qu’il est très difficile pour les rédacteurs de la clause d'arbitrage, au stade de la négociation et alors qu’ils sont rarement des spécialistes de l’arbitrage et n’ont pas la moindre idée de la physionomie de l’arbitrage potentiel à naître, de dire : nous savons, dès aujourd'hui, que nous n’aurons pas besoin de tel ou tel mode de preuve pour gagner ou nous défendre dans l’arbitrage. Exclure a priori tel ou tel mécanisme, ou même sa portée, me paraît être risqué. Je peux toutefois concevoir qu’on puisse limiter, même à l’avance, la quantité de documents à produire ou le nombre de témoignages, en déterminant un maximum dans la clause. Mais n’est-ce pas théorique ? Après tout, peut-être que non, vu les excès que l’on a pu constater ces dernières années.

DOCUMENT PRODUCTION UNDER FRENCH LAW

It is commonly stated that there is no discovery or disclosure under French law. It is true that the French procedure for production of documents is not that extensive. However, in domestic arbitration proceedings, the Arbitral Tribunal can rely on several provisions of the French Code of Civil Procedure (“FCCP”) which address the issue of document production (Articles 9, 10, 11 § 1, 15 of the FCCP).

As a basic rule, each party shall provide factual elements in order to prove its case (Article 9 of the FCCP). However, this provision does not prevent the Arbitral Tribunal from ordering a party to produce a document under daily fines (as the case may be). This power is recognised together with the power to draw adverse inferences if a party does not comply with the Tribunal’s order to produce documents.

 

Apart from the power of the Arbitral Tribunal which is recognised by the Law of the procedure (lex arbitri), the parties can agree upon specific rules in this regard. The parties can also refer to arbitration rules. For instance, the AFA rules provide for direction at Article 11. It is stated that the Arbitral Tribunal has the broadest powers to investigate, even of its own motion. It is further stated that it may order any fact-finding measure, and shall set the conditions and deadlines thereof.

In international arbitration proceedings conducted in France, the Arbitral Tribunal will, in its procedural orders, give general directions concerning document production: for instance, timing, the use of schedules for document production, reference to the IBA Rules on the Taking of Evidence in International Arbitration.

Marie Danis
Avocat au Barreau de Paris
Associée du cabinet August & Debouzy depuis janvier 2009

Assiste une clientèle internationale dans des dossiers d'arbitrage international (notamment dans le secteur aéronautique et de la défense, l’industrie chimique et pharmaceutique).

WITNESS EVIDENCE UNDER FRENCH ARBITRATION LAW AND PRACTICE

1. What is a “witness” in the first place?  

Beyond the CCP setting (art. 199 and 205), arbitration law and practice, far more liberal compared with civil procedure (see below), distinguish two kinds of witnesses:  fact witnesses – recounting their own perception of events and circumstances they have personally experienced – and expert witnesses, providing technical opinions pursuant to their professional expertise.

Civil procedure requires a witness to be a third person, but arbitration standards are more flexible: an arbitral tribunal can hear any person, who shall not need to take an oath (1467 al. 2 CPC). This includes a party herself/itself or its representative(s), such as an employee of an entity party to the arbitration (or even a counsel, provided he complies with his privilege duties).

2. Can you force a witness to testify in an arbitral hearing?

In state court proceedings, a French judge may summon any person to appear before her.  This is not the case in arbitration, where the arbitrator, with no coercive power, cannot in principle enjoin a deposition from a party or a third party.

This slightly varies from documentary evidence in that a party to an arbitration is expressly entitled to apply for an injunction from the supporting judge (juge d’appui) to force a third party to produce a document in his/her possession: no equivalent provision exists for non-party witnesses. Yet, this does not mean French arbitration law would preclude it per se.

3. How is witness evidence administered in arbitration?

 

Parties’ autonomy in arbitration makes it  possible for them to freely administer testimonial evidence: type and number of witnesses, oral testimony alone or with written statements, order of appearance, with or without cross-examinations, scope of such examinations, time allocations, necessity of a recording or a transcript… Provided however parties can agree on these modalities and comply with due process rights, notably the principle of equality.

Managing these practical aspects should not however  - and actually do not – overlook cost considerations.

If the parties are unable to agree, it belongs to the arbitral tribunal to manage, even in details and as it sees fit, the way this evidence is taken. On the basis of its power to administer the proceedings, the tribunal may ask further questions to a given witness or, reversely, can even refuse to hear a potential witness if it feels sufficiently informed on the testimonial point.

4. How can a witness (and/or her statement) be " prepared " ahead of a hearing, if at all?

The general rule, both legally and ethically, is that counsels are prevented from influencing witnesses as to the content of their depositions, be it for their written statement or even by coaching them to “enhance” their oral testimony.

Yet, in practice, it is commonly admitted that a counsel should be able to educate a witness as to how arbitration actually functions and to assist him/her with the most useful manner to convey to the tribunal his/her personal knowledge or technical opinion. This is why the Paris Conseil de l’Ordre has expressly confirmed that Parisian lawyers are entitled to measure the relevance and seriousness of testimonies produced to support his/her client’s position, and ultimately that may prepare witnesses.

Jalal El Ahdab
Docteur en droit, Avocat aux Barreaux de Beyrouth, New York et Paris
Associé du cabinet Ginestié, Magellan, Paley-Vincent
Pratique comme conseil et arbitre l'arbitrage international depuis près de 20 ans, en France, en Afrique et dans les pays arabes en langues française, anglaise et arabe.

 

[i] Lara Unfer, L’administration de la preuve en arbitrage international, étude comparative France/ Etats Unis, Mémoire rédigé sous la direction du Professeur Marie GORÉ, 2012-2013 - http://idc.u-paris2.fr/sites/default/files/memoire_lara_unfer_pdf.pdf

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ACTUALITÉS DE L'ARBITRAGE

 

> Appel à la soumission d'articles

La Revue d’arbitrage et de médiation (RAM) ou en anglais The Journal of Arbitration and Mediation est à la recherche d’auteurs (professeurs, praticiens ou étudiants) intéressés à publier des articles traitant des grandes questions du domaine de l’arbitrage, de la médiation, et des autres modes de résolution des différends. Les textes peuvent aussi prendre la forme de commentaires d’arrêts ou de recensions de livres. Ils peuvent être rédigés en français ou en anglais et avoir une portée aussi bien nationale qu’internationale.

Cette revue s’est donnée pour mission d’approfondir la réflexion et la discussion sur des sujets qui préoccupent aussi bien les universitaires que les praticiens œuvrant dans les domaines de l’arbitrage et de la médiation dans le monde,

Les textes sont à faire parvenir avant la fin du mois de janvier 2015 par courrier électronique à ram-jam@USherbrooke.ca

Pour plus d’informations, vous pouvez communiquer, à la même adresse, avec Madame le Professeur Marie-Claude Rigaud, rédactrice.

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> Colloque des Comités - Français et Brésilien - de l'Arbitrage

Le Comité Français de l'Arbitrage organisera avec le Comité Brésilien de l'Arbitrage leur deuxième  colloque conjoint sur le thème "Confidentialité et transparence en droit de l'arbitrage" sous la direction scientifique de Monsieur le Professeur Jean-Baptiste RACINE le 23 janvier 2015 à Paris.

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> Wake up (With) Arbitration !

Le prochain petit-déjeuner "Wake up (With) Arbitration !" fixé au mercredi 4 février 2015, aura pour thème "Les arbitres manquent-ils de courage ?" et sera animé par Madame Christine GUERRIER et Monsieur Elie KLEIMAN.

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INFORMATIONS

 

ACCORDS DE PARTENARIAT

L’Association Française d’Arbitrage (AFA) vient de signer deux accords de partenariat :

• le premier avec le Centre Belge d’Arbitrage et de Médiation (CEPANI),

    • le second avec la China International Economic and Trade Arbitration Commission (CIETAC).

Ces accords ont pour objet : la promotion de l’arbitrage en tant que moyen de règlement de litiges dans les échanges commerciaux nationaux et internationaux, l’organisation de conférences, séminaires, formations et tout autre moyens appropriés pour le développement de l’arbitrage tels que des études et publications, l'organisation et l’application de procédures arbitrales dans l’autre pays.

 

 



LE CAS PRATIQUE DE L'AFA

L'AFA organise une nouvelle session de formation approfondie à l'arbitrage, les 13 et 14 avril 2015 à la Maison du Barreau à Paris. Deux journées au cours desquelles la simulation d'un arbitrage international est organisée afin de découvrir tous les outils essentiels pour le mener à bien.

Limitée à 15 participants - avocats, experts, juristes, chefs d’entreprise, magistrats, professeurs ou toute autre profession : arbitres, conseils ou parties à l’arbitrage - Cette session est validée 16 heures au titre de la formation continue.

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LES GROUPES DE REFLEXION DE L'AFA

Nous vous rappelons que l’AFA a mis en place deux groupes de réflexion ouverts à ses membres adhérents afin d’améliorer la pratique et l’efficacité de l’arbitrage.



Le premier, dont deux réunions ont eu lieu à ce jour, a pour sujet d'étude la Consolidation d’arbitrages connexes, piloté par Maître Jérôme ORTSCHEIDT, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation avec la collaboration de Mademoiselle Eloïse GLUCKSMANN, Chargée d’enseignement à l’Université Panthéon Sorbonne.

Le second, dirigé par Monsieur le Professeur François-Xavier TRAIN avec la collaboration de Monsieur Pierre FENG, Avocat au Barreau de Paris, traite des Décisions du Comité d’arbitrage de l'AFA et deux réunions se sont tenues à la Maison du Barreau à Paris.

Il est prévu que selon le rythme des réunions déterminé, un travail de synthèse soit réalisé pour l’été 2015.

Nous vous invitons à consulter les travaux de ces deux groupes. Cadres, documents de travail et comptes rendus sont consultables sur notre site.

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PRÉSIDENCE DE L'IEAM

Suite à la démission pour des raisons professionnelles de Monsieur Dominique LÉVÊQUE, Monsieur David ZNATY est élu à la Présidence de l’IEAM à compter du 1er janvier 2015.

Madame Virginie CALTEAU-PERONNET est reconduite à son poste de Vice-Président.

 

FÉDÉRATION DES CENTRES D'ARBITRAGE

 

Quinze centres français sont désormais réunis au sein de la Fédération des Centres d’Arbitrage, dont l’A.F.A. a suscité la création en 2012, avec le souci de partager leur expérience et de promouvoir l’arbitrage institutionnel.

La recherche d’une éthique commune aux acteurs de l’arbitrage et l’élaboration d’une Charte éthique, adoptée et mise en application depuis le 1er janvier 2014 par toutes les institutions membres, a constitué le premier objectif de la Fédération.

Dans le prolongement de ces travaux, Maître Jalal EL AHDAB, Vice Président du Conseil scientifique du Centre de Médiation et d’Arbitrage de la CCFA, a rédigé un article sur le thème « L’éthique dans la conduite et la gestion de l’arbitrage » destiné à paraitre dans le prochain ouvrage collectif édité par la Fédération des Centres d’Arbitrage.

Cet article, qui consacre l’approfondissement d’une réflexion scientifique sur la dimension éthique de l’arbitrage, est consultable dès maintenant sur le site de la Fédération des Centres d'Arbitrage.

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JURISPRUDENCE

  Cass.1ère Civ. 24 septembre 2014, n°12-28453 et 3 décembre 2014, n°13-10567

En liaison avec le très intéressant colloque organisé par le Comité Français de l’Arbitrage le 21 novembre 2014 sur l’Évaluation du préjudice par les arbitres, la Cour de Cassation a rendu deux arrêts révélateurs des besoins des usagers de l’arbitrage.

Dans le premier, les arbitres avaient fixé "souverainement" à une somme déterminée une indemnité compensatrice et, par ailleurs, retenu "qu’il paraît équitable de fixer à 7000 €" la somme réparant le préjudice relatif à un autre poste. Il était reproché aux arbitres d’avoir statué en amiable composition alors qu’ils n’avaient pas reçu une telle mission.

Dans le second arrêt le tribunal arbitral, après avoir constaté l’existence d'un préjudice matériel et d'un préjudice moral, a fixé ceux-ci sans donner les motifs de l’évaluation retenue. Il était reproché aux arbitres un défaut de motivation de leur sentence.

Dans les deux cas, la Cour de cassation n’a pas sanctionné cette attitude pour des motifs qui tiennent aux cas d’espèce et à la technique de l’évaluation du préjudice, mais ce que l’on constate, c’est que les usagers de l’arbitrage se sont révélés mécontents de ces décisions arbitrales pour avoir fixé des préjudices sans en avoir expliqué la valorisation.

On doit observer que dans les deux cas il s’agissait d’arbitrages ad hoc et que par conséquent les sentences n’avaient pas été soumises pour relecture au centre d’arbitrage lorsqu’il en existe un et qu’une relecture de la sentence est effectivement prévue par son règlement comme c’est le cas de l’AFA. L’on peut penser que de telle sentence aurait fait l’objet de la part du centre d’arbitrage d’observations aux arbitres sur la motivation adoptée susceptible de justifier une incompréhension de la sentence rendue.

Les praticiens de l’arbitrage savent bien qu’une sentence ne sera acceptée que si les parties, par la participation effective à la procédure arbitrale, mais surtout par la façon dont la sentence explique le raisonnement des arbitres, sont mises à mêmes de comprendre les raisons d’être de la décision rendue.

  Cass. 1ère Civ. 16 septembre 2014, n°13-16737

S’agissant du respect du contradictoire et de la motivation de la sentence, la Cour de cassation se borne à constater, pour rejeter le pourvoi, que les pièces utilisées pour justifier la solution adoptée avaient été régulièrement produites, en sorte que la sentence motivée n’était pas tenue de préciser les pièces sur lesquelles était fondée la décision.

  Cinq Cass.1ère Civ. 8 octobre 2014, n° 13-25224

Cette décision fait application de l’effet positif du principe compétence - compétence en déclarant que la clause compromissoire faisait obstacle à la compétence du Tribunal de commerce.

  Cass. 1ère civ. 22 octobre 2014, n°13-11568

La cessation d’une activité professionnelle est sans incidence sur la validité de la clause compromissoire conclue avant la cessation de cette activité.

  Cass.1ère Civ. 5 novembre 2014, n° 13-11745

Il était admis que la sentence arbitrale faisait foi de ses énonciations jusqu’à inscription de faux. La présente décision de la Cour de cassation s’abstient cependant de l’affirmer ; elle indique seulement que les énonciations de la sentence sont à tout le moins supposées exactes jusqu’à preuve contraire et que l’art. 1315 du Code civil oblige celui qui réclame l’exécution d’une obligation à la prouver.

  CA Paris 14 octobre 2014, n°13 / 13459

"Considérant, d’une part, que si des informations publiques et très aisément accessibles, que les parties ne pouvaient manquer de consulter avant le début de l’arbitrage, sont de nature à caractériser la notoriété d’un conflit d’intérêts, en revanche, il ne saurait être raisonnablement exigé, ni que les parties se livrent à un dépouillement systématique des sources susceptibles de mentionner le nom de l’arbitre et des personnes qui lui sont liées, ni qu’elles poursuivent leur recherche après le début de l’instance arbitrale."

Cette formulation de la Cour d’appel de Paris rassurera les praticiens de l’arbitrage car on avait pu craindre un moment, et même si l’obligation de révélation ne pèse que sur les arbitres (Cass.1ère Civ. 31 janvier 2013, n°12-18238), que la notion de notoriété ne soit appréciée trop largement, alors que chacun sait que les informations sont par nature relatives à ceux qui peuvent y avoir accès. C’est précisément ce que les arbitres doivent prendre en considération lorsqu’ils effectuent leur déclaration car c’est "aux yeux des parties" que l’appréciation d’indépendance sera pesée.

  Lire aussi

Chronique de jurisprudence de droit de l’arbitrage par Denis Bensaude
Gazette du Palais  -  21-22 novembre 2014

 

 

Par Monsieur Bertrand MOREAU
Président du Comité d'arbitrage de l'AFA

 

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